Dans une époque où certains nous expliquent que les
neurosciences vont organiser et faire réussir toute éducation, où le ministre
de l’éducation nationale se présente comme un addicte des neurosciences matinée
d’autoritarisme, il est peut-être reposant, sinon intéressant, de se replonger
dans la littérature du 19e siècle pour y voir que la querelle des
méthodes ne date pas d’aujourd’hui et qu’en tout cas l’éducation n’est pas
chose simple et qu’on ne peut pas la réduire, fusse à propos de l’apprentissage
de la lecture, au seul fonctionnement du cerveau.
Anatole France et son roman Le Crime de Sylvestre Bonnard
nous offre cette distraction et ouvre à la réflexion à propos de l’éducation.
Lisons :
« Une éducation qui n’exerce
pas les volontés est une éducation qui déprave les âmes. Il faut que
l'instituteur enseigne à vouloir.
Je cru voir que maître Mouche m’estimait un pauvre homme. Il
reprit avec beaucoup de calme et d'assurance.
-
Songez, monsieur que l'éducation des pauvres
doit être faite avec beaucoup de circonspection et en vue de l'état de
dépendance qu'ils doivent avoir dans la société.
Le notaire s'appliqua, de nouveau, à justifier le système
d'éducation de Mademoiselle Préfère, et me dit, en matière de conclusion :
- - On n’apprend pas en s’amusant.
- - On n’apprend qu'en s'amusant, répondit‑je. L'art
d'enseigner n'est que l'art d'éveiller la curiosité des jeunes âmes pour la
satisfaire ensuite, et la curiosité n'est vive et Scène que dans les esprits
heureux. Les connaissances qu'on entonne de force dans les intelligences les
bouchent et les étouffent. Pour digérer le savoir il faut l'avoir avalé avec
appétit. Je connais Jeanne. Si cette enfant m'était confiée, je ferais d'elle,
non pas une savante, car je lui veux du bien, mais une enfant brillante
d'intelligence et de vie et en laquelle toutes les belles choses de la nature
et de l'art se reflèteraient avec un doux éclat. Je la ferais vivre en
sympathie avec les beaux paysages, avec les scènes idéales de la poésie et de
l'histoire, avec la musique noblement émue. Je lui me rendrai aimable tout ce
que je voudrais lui faire aimer. »
Et si enseigner n’était qu’une question d’amour et de
passion pour les choses et les êtres, et une volonté de partage avec les
autres, avec l’Autre ?
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