Affichage des articles dont le libellé est Borel-Maisonny. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Borel-Maisonny. Afficher tous les articles

vendredi 23 avril 2021

La difficulté scolaire : ça n'existe pas (6)

 



IV)                   La réduction, la rééducation, l’orthopédagogie

 

« De fait la notion d’élèves à besoins particuliers, souvent saluée comme un changement majeur de politique vers “ l’école inclusive[1] ”, implique par définition le report sur les élèves de leurs difficultés. L’école se dédouane d’avoir à leur prodiguer les mêmes apports éducatifs puisque leurs besoins sont “particuliers”. Les enseignants cherchent en dehors de l’école ce qui fait la particularité de l’élève et il la trouve presque toujours dans la famille. »

 

L’enfant est considéré comme différent, inadapté, voire anormal et on pousse les parents à admettre que leur enfant relève bien « du champ du handicap » ou du « champ de la santé ». L’école peut l’accueillir mais ses besoins spécifiques doivent être pris en charge en dehors de l’école. C’est dans cette histoire et ce contexte social que l’orthophonie se trouve prise.

 

Dans ce contexte l'orthophonie tire sa légitimité de son inscription médicale ; depuis le début elle est conçue comme une profession paramédicale tout en étant marquée par des savoirs et des pratiques extramédicaux. C’est une profession née à l’hôpital où, en 1926, Suzanne Borel-Maisonny collaborait avec le docteur Veau sur la rééducation des divisions palatines.

-           

Par rapport à l’école, à mon sens, l’orthophonie doit bien poser, grâce à sa légitimité, la distinction entre thérapie et pédagogie. Elle n’est pas un soutien pédagogique comme le dit une orthophoniste[2] : « Je pense que si on est orthophoniste justement on n’est pas institutrice, et qu’on ne sait pas être institutrice, on ne nous a pas formé pour être institutrice. On nous informait pour être des thérapeutes du langage, donc on ne fait pas du tout le même travail, et je crois qu’il est important de le dire ici. Nous ne sommes pas un soutien pédagogique ou une nette pédagogique. Nous ne sommes pas l’école. Nous sommes des rééducateurs du langage. Des spécialistes du langage. »

 

L’orthophoniste est liée par le secret « médical » qui l’empêche de dévoiler à des tiers la maladie de l’enfant et le processus thérapeutique mis en place ; pour autant elle peut apporter aux enseignants des éléments sur les potentialités de l’enfants sur lesquelles la pédagogie s’appuiera. Mais bien qu’elle soit dépendante de l'école dans la mesure où c’est cette dernière qui fixe les normes d’acquisition du langage écrit sur lesquels sont basés les bilans et que d’autre part l’école peut lui adresser des élèves en difficultés, l’orthophoniste doit se mettre à distance du jugement scolaire en menant ses propres activités d’évaluation et en contrôlant ses relations. L'orthophoniste n’est pas un praticien de l’échec scolaire même si son action thérapeutique peut amener sa résolution en réduisant les difficultés de l’enfant.

 

 

Conclusion

 

A titre de conclusion je ne ferai que livrer un extrait de l’article de Jean Guillaumin relatif à la relation maître élève, un extrait donné plus pour faire réfléchir que pour conclure une question dont vous aurez compris qu’elle est extrêmement complexe.

 

« Le champ pédagogique est décrit comme formé par l’interaction de différentes variables, dotées chacune d’un certain poids. L’influence des difficultés proprement intellectuelles, des troubles caractériels, du défaut de scolarisation ou de l’insuffisance des connaissances, du tempérament du sujet enfin, si compose à la manière d’une somme, ou plutôt d’un produit de facteurs. Le travail du diagnosticien est alors comparable, qu’ils soient intuitifs ou expérimental, à ce que les statisticiens appellent une analyse de variance ; il vise à dégager l’importance propre de chaque facteur, et conduit finalement à hiérarchiser les variables pour faciliter l’action rééducative.

Il n’est pas sûr cependant que ce mode d’analyse tienne compte suffisant de la structure d’ensemble de la situation pédagogique, qui constitue une sorte de contexte capable de modifier, d’infléchir ou d’accentuer, le jeu des facteurs particuliers en fonction de significations globales. De telles significations existent de toute évidence, et elles renvoient sans doute au rôle social dévolu à l’école. Il n’est pas impossible que leur étude contribue à jeter quelque lumière sur les cas plus ou moins ouvertement tenus pour irrationnelle dans la clinique des inadaptations scolaires. »

 



[1] Garcia et Ollier.

[2] Citée par Marianne Woollven :  l’orthophonie et les troubles du langage écrit : une profession de santé face à l’école, Revue française de pédagogie, 2015.


Avant Jules Ferry il y avait des écoles

  Ce billet est un complément autant qu’une explicitation de mon précédent billet : « Monsieur le Député : Non ! L’enseignement privé ce n’e...