IV)
La réduction, la rééducation,
l’orthopédagogie
« De fait la
notion d’élèves à besoins particuliers, souvent saluée comme un changement
majeur de politique vers “ l’école inclusive[1] ”, implique par
définition le report sur les élèves de leurs difficultés. L’école se dédouane
d’avoir à leur prodiguer les mêmes apports éducatifs puisque leurs besoins sont
“particuliers”. Les enseignants cherchent en dehors de l’école ce qui fait la particularité
de l’élève et il la trouve presque toujours dans la famille. »
L’enfant est considéré comme différent, inadapté, voire
anormal et on pousse les parents à admettre que leur enfant relève bien « du
champ du handicap » ou du « champ de la santé ». L’école peut
l’accueillir mais ses besoins spécifiques doivent être pris en charge en dehors
de l’école. C’est dans cette histoire et ce contexte social que l’orthophonie
se trouve prise.
Dans ce contexte l'orthophonie tire sa légitimité de son
inscription médicale ; depuis le début elle est conçue comme une
profession paramédicale tout en étant marquée par des savoirs et des pratiques
extramédicaux. C’est une profession née à l’hôpital où, en 1926, Suzanne
Borel-Maisonny collaborait avec le docteur Veau sur la rééducation des
divisions palatines.
-
Par rapport à l’école, à mon sens, l’orthophonie doit bien
poser, grâce à sa légitimité, la distinction entre thérapie et pédagogie. Elle
n’est pas un soutien pédagogique comme le dit une orthophoniste[2] : « Je pense que si on est orthophoniste
justement on n’est pas institutrice, et qu’on ne sait pas être institutrice, on
ne nous a pas formé pour être institutrice. On nous informait pour être des
thérapeutes du langage, donc on ne fait pas du tout le même travail, et je
crois qu’il est important de le dire ici. Nous ne sommes pas un soutien
pédagogique ou une nette pédagogique. Nous ne sommes pas l’école. Nous sommes
des rééducateurs du langage. Des spécialistes du langage. »
L’orthophoniste est liée par le secret « médical »
qui l’empêche de dévoiler à des tiers la maladie de l’enfant et le processus
thérapeutique mis en place ; pour autant elle peut apporter aux
enseignants des éléments sur les potentialités de l’enfants sur lesquelles la
pédagogie s’appuiera. Mais bien qu’elle soit dépendante de l'école dans la
mesure où c’est cette dernière qui fixe les normes d’acquisition du langage
écrit sur lesquels sont basés les bilans et que d’autre part l’école peut lui
adresser des élèves en difficultés, l’orthophoniste doit se mettre à distance
du jugement scolaire en menant ses propres activités d’évaluation et en
contrôlant ses relations. L'orthophoniste n’est pas un praticien de l’échec
scolaire même si son action thérapeutique peut amener sa résolution en réduisant
les difficultés de l’enfant.
Conclusion
A titre de conclusion je ne ferai que livrer un extrait de
l’article de Jean Guillaumin relatif à la relation maître élève, un extrait
donné plus pour faire réfléchir que pour conclure une question dont vous aurez
compris qu’elle est extrêmement complexe.
« Le champ pédagogique est décrit comme formé par
l’interaction de différentes variables, dotées chacune d’un certain poids.
L’influence des difficultés proprement intellectuelles, des troubles
caractériels, du défaut de scolarisation ou de l’insuffisance des
connaissances, du tempérament du sujet enfin, si compose à la manière d’une
somme, ou plutôt d’un produit de facteurs. Le travail du diagnosticien est
alors comparable, qu’ils soient intuitifs ou expérimental, à ce que les
statisticiens appellent une analyse de variance ; il vise à dégager
l’importance propre de chaque facteur, et conduit finalement à hiérarchiser les
variables pour faciliter l’action rééducative.
Il n’est pas sûr cependant que ce mode d’analyse tienne
compte suffisant de la structure d’ensemble de la situation pédagogique, qui
constitue une sorte de contexte capable de modifier, d’infléchir ou
d’accentuer, le jeu des facteurs particuliers en fonction de significations
globales. De telles significations existent de toute évidence, et elles
renvoient sans doute au rôle social dévolu à l’école. Il n’est pas impossible
que leur étude contribue à jeter quelque lumière sur les cas plus ou moins
ouvertement tenus pour irrationnelle dans la clinique des inadaptations
scolaires. »
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