Article paru dans la revue des Stagiaires du
Centre de formation des inspecteurs de l’éducation nationale.
Centre Bessière, Paris, 1995
« Un premier constat
s’impose : l’école « en chair et en os » s’inscrit dans un
espace local qu’elle ne peut ignorer. La prise en compte des liens que tisse
l’école entre cet espace local et l’espace national… » (Duru-Bellat et
Henriot-van Zanten : sociologie de l’école, Armand Colin).
Espaces et
territoires :
D’évidence l’école se situe dans
des espaces si l’on veut bien prendre en compte qu’un espace est un lieu,
surface ou volume, à l’intérieur duquel peut se situer quelque chose.
Cette chose, l’école, à la fois
réelle et virtuelle, se situe dans des espaces soit réels comme la commune ou
le quartier, soit virtuels comme la réglementation qui la fonde et la gère.
Ainsi situer dans ces (ses)
espaces l’école fonde des territoires dans la mesure où, dans une acception
sociologique, un territoire serait schématiquement la façon dont les individus
investissent l’espace réel (géographique) ou virtuel (institutionnelle).
Le territoire ne préexiste pas
aux individus : il s’organise en fonction des pratiques de chacun dans
l’espace et, aussi, dans le temps (autre espace).
Le territoire n’est donc pas un
état en soi mais une « construction » qui répond à la définition d’un
problème, à sa manière de l’aborder et de le résoudre.
Par exemple le lycéen qui
emprunte deux fois par jour les transports scolaires pour parcourir les 25 km
qui le séparent du lycée ne partage pas le même territoire que son frère,
collégien, qui enfourche quatre fois par jour sa bicyclette ; pourtant ils
se côtoient dans l’espace commun de leur zone de résidence mais ils n’y mettent
pas les mêmes valeurs et ne résolvent pas de la même façon le problème de leur
déplacement de leur résidence à leur lieu de travail.
Le territoire est donc une
création sociale par un groupe d’individus, ou un individu, autour d’intérêts
communs. C’est la création d’un espace de référence pour savoir ce qu’on y
fait, comment on s’y protège et ce qu’on va y faire. En ce sens le territoire
est aussi un espace de propriétés c’est-à-dire un ensemble de qualités et de
caractères communs à tous les individus du groupe. Cela lui confère une
nouvelle dimension, plus symbolique, qui conditionne la manière que chacun a de
construire son territoire, donc les choix à faire. Cette construction tient à
la fois d’un système de représentation et d’un système d’appartenance.
Le territoire est aussi méta
création, c’est-à-dire qu’il est aussi le discours que l’on porte autour de
l’espace, réel ou virtuel, issu de la création sociale. En ça le territoire est
vivant parce que soumis à la « question », il peut être revisité et
modifié.
On peut donc considérer que le
territoire ne peut pas se construire durablement sans l’assentiment de ses
populations et il constitue une réalité provisoire multidimensionnelle :
géographique, historique, social, économique et politique, et peut-être
onirique. Ce qui rapproche des propos d’André Micoud pour qui le territoire « est
le résultat de la construction sociale, politique, et pour finir
institutionnelle, par laquelle un pouvoir s’autorise et s’institue pour la
résolution d’un problème ».
L’école
comme territoire :
On voit, au travers de cette
définition, comment l’école s’est instituée pour résoudre le « problème »
de l’éducation des enfants.
L’école est donc un territoire
puisqu’elle est le résultat d’une construction à la fois sociale, politique et
institutionnelle. Par-delà ce rapprochement d’avec la définition générale du
territoire, on retrouve autour de l’école la notion corollaire d’organisation
des pratiques individuelles dans l’espace et le temps, ainsi que la dimension
de méta création dans la mesure où l’école suscite du discours citoyen et du
discours savant qui l’interrogent et la remettent en question.
L’école et
les territoires : le chevauchement des territoires
Une des interrogations à propos
de l’école se fait en direction de la place qu’elle occuperait dans
l’aménagement du territoire et le développement local (terme principalement
attribué aux zones rurales) ou au développement social (qui concerne le milieu
urbain).
Les travaux de Madame Agnès
Henriot-van Zanten montrent bien les liens existants entre le tissu social et
l’école (voir notamment « sociologie de l’école » pp83-101).
Les lois de décentralisation ont
permis aux collectivités locales d’élaborer de véritables politiques locales
d’éducation répondant ainsi aux désirs des parents et des travailleurs sociaux
de tisser des liens forts avec une école à laquelle ils demandent de plus en
plus à la fois en matière d’éducation des enfants dans une acception très large
de « l’être » et de la « citoyenneté », d’apport de
connaissances et enfin de préparation à un avenir professionnel. Nous ne
discuterons pas ici du bien-fondé de ses demandes, forts de ce qu’il faut
constater qu’il y a là évolution de pratiques sociales : on ne subit plus
l’école, on lui demande de « faire » ; cela a quelques exceptions
de populations près.
Dès lors qu’un individu est en
position de demandeur, certains ont dit de consommateur, par rapport à l’école,
on entrevoit que le « territoire école » ne possède plus de
suprématie par rapport à d’autres. Nous pouvons le mesurer, par exemple, à la
lumière du débat sur les rythmes scolaires qui, soulignons-le, font peu de cas
des études sur les rythmes de l’enfant. Il y a là immixtion d’un territoire
dans un autre : celui des pratiques de loisirs des parents dans celui des
pratiques scolaires des enfants.
Si on voit bien le voisinage des
deux territoires que nous venons d’évoquer, il n’en est pas de même pour
d’autres. Or ces voisinages et leurs chevauchements possibles font des
territoires autres que l’école des partenaires de l’école au sens où il
s’influe sur son fonctionnement. Il est donc important, dans la pratique d’une
politique scolaire (et même plus simplement niveau de la gestion
administrative), de repérer ces territoires qui interfèrent sur celui de
l’école sans lui être obligatoirement concourant.
Moins de vouloir, le peut-on
d’ailleurs tant les situations sont variées et variables, atteindre
l’exhaustivité envisageant quelques territoires susceptibles d’interférer avec
le territoire école.
Les territoires institutionnels
sont ceux où s’exercent la volonté et l’action de l’État, de la région, etc. Là
s’inscrivent, par exemple, les actions d’aménagement du territoire comme le Moratoire de maintien des services publics
en milieu rural. Immédiatement on voit l’incidence que cela peut avoir sur
l’élaboration de la carte scolaire. Moins frappants sont les Schémas
Départementaux d’Aménagement et d’Urbanisme (SDAU) pourtant il pose des
indications marquantes pour le développement des communes vers une
urbanisation, une industrialisation, une « ruralisation », tout ceci
dit de façon un peu caricaturale pourrait se traiter mieux en termes de
logements et de mouvements de populations.
Un autre territoire
institutionnel peut influer sur le territoire école, c’est celui des transports.
Une desserte ferroviaire cadencée, par exemple, peut favoriser l’évasion de
collégiens et de lycéens d’un bourg centre vers une ville, d’un le lycée
connoté rural vers un lycée de centre-ville. Inversement l’absence d’une réelle
desserte peut amener des parents à utiliser leur voiture pour se rendre à leur
travail et par là entraîner, sinon les contraindre, à emmener leur enfant d’âge
de l’école élémentaire pour éviter des frais de garde au regard de l’absence de
structure…
Les territoires locaux, ceux
investis par une pratique sinon quotidienne du moins fréquente de la part des
habitants, ont une incidence majeure sur le territoire école. Nous en
retiendrons essentiellement un qui est celui des parcours professionnels
largement corrélés avec celui des transports évoqués plus haut.
Pour des parents qui travaillent
dans la ville ou le village, le territoire école doit être présent dans cet
espace géographique. Pour ceux qui se déplacent, par exemple, vers le bourg
centre il est parfois plus facile d’amener les enfants vers les écoles de ce
bourg entraînant ainsi une dépopulation de l’école du village. Notons au
passage que la réglementation relative à la sectorisation scolaire, jointe aux
prérogatives municipales, risque dans certains cas de favoriser une
désaffection du service public au bénéfice de l’enseignement privé.
Nous pourrions aussi étudier
l’influence des territoires politiques constitués par la personnalité et les
ambitions d’élus.
À titre de
conclusion provisoire :
Ce court écrit ne veut avoir
comme ambition que de montrer à quel point l’école possède des rapports avec le
« local » et que l’analyse allait du concept de territoire permet de
montrer et de circonscrire ses liens à la fois forts et interactifs.
Il convient donc, pour pouvoir
administrer le territoire scolaire, d’avoir une bonne connaissance du « local ».
Nous proposons à la suite de ce texte une liste de critères qui nous semblent
essentiels et principaux pour analyser le local.
Éléments d’analyse du local
(Liste non exhaustive et non
actualisée)
Commune :
Canton :
Population municipale :
·
Évolution de la population sans doubles comptes
sur 10 ans
·
Évolution du nombre de naissances sur 10 ans
·
Évolution du nombre de décès sur 10 ans
·
Solde d’accroissement
·
Excédent naturel
·
Solde migratoire
·
Répartition par tranche d’âge : zéro – 15,16
– 19,20 – 39,40 – 59,
·
Taille des ménages :
·
Actifs ayant un emploi :
·
Actifs travaillant hors commune :
Niveau d’équipement :
·
POS : oui/non
·
ZA : oui/non
·
ZI : oui/non
·
Nombre d’établissements bancaires
·
Nombre de supérettes et de supermarchés
·
Nombre de boulangeries
·
Nombre de librairies
·
Nombre de pharmacies
·
Nombre de commerces autres que ceux cités
·
Gare SNCF de voyageurs et nombre d’arrêts de
trains par jour
·
Lignes d’autocars et nombre d’arrêts de cars par
jour
·
Distance jusqu’à une autoroute
·
Hôpital : oui – non
·
Nombre de salles de cinéma
·
Centre socioculturel : oui – non
Habitat :
·
Nombre de résidences principales :
·
Nombre de résidents secondaires :
·
Caractéristiques principales du logement
·
Taux de construction : nombre de permis de
construire pour résidence principale/pour résidence secondaire
·
Type de construction : collectif/individuel/lotissement/diffus.
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