#veille #Gallica Adoption de la loi
de séparation de l'Eglise et de l'Etat vue par la presse http://buff.ly/1TER39X
La laïcité s’enseigne-t-elle et
s’apprend-elle ? Ce sont deux questions fondamentales pour notre fonction
enseignante qui renvoie au « faire » : que faire, quand le
faire, comment le faire : questions d’autant plus essentielles que
l’institution souhaite que soit mis en place un enseignement moral et civique.
La mise en œuvre d’un tel enseignement qui n’est pas issu d’un corpus
scientifique bordé, oblige chacun d’entre nous à se questionner sur son
essence ; il ne peut pas n’être que la conséquence d’un accident
pédagogique ou trop simplement une réponse docile à une injonction
institutionnelle.
Nous pourrions débuter cette
réflexion en questionnant les termes eux-mêmes. En tout premier lieu nous
devrions nous interroger à propos de « est-ce que l’enseignement moral et
civique est identique à enseigner la morale et l’instruction civique qui,
elles, sont construites sur des corpus scientifiques aux frontières et aux
démarches, fondamentales et didactiques, claires ». Mais, ici, je prendrai
une entrée plus restreinte, loin de la philosophie, qui consistera à nous
limiter à examiner un mot : laïcité, à travers une synthèse
d’ouvrage : « la laïcité au quotidien » de Régis Debray et
Didier Leschi.
La laïcité est un de ces mots
vertueux comme les définissait Michel Cattla, de mots utilisés « à toutes
les sauces » qui, de ce fait, perdent de leur saveur ; le sens et
l’essence s’estompent voire deviennent contradictoires. Il m’apparaît cependant
que concernant la laïcité, le sens n’a pas trop disparu, qu’en tous les cas il
y a moins de sens différents qu’il n’y a de conduites dissemblables et
disparates. Aussi, l’exergue à ce livre, attribuée à Un Républicain, est-elle
intéressante comme entrée en matière : « Messieurs, vous êtes
d’accord avec le mot. Êtes-vous d’accord avec la chose ? »
Ces phrases définissent bien le
livre et en circonscrivent l’objectif : ni histoire, ni philosophie, ni
même sociologie de la laïcité, l’ouvrage veut être un outil pratique comme
l’écrivent clairement les auteurs en reprenant un extrait de la lettre que
Jules Ferry adressa aux instituteurs : « peu de formules, peu
d’abstractions, beaucoup d’exemples, et surtout d’exemples pris sur le vif de
la réalité. »
Mis à part les six pages
d’introduction qui posent quelques principes pour éclairer le discours qui va
suivre, l’ouvrage se divise en 38 cas pratiques et concrets parmi lesquels,
relevés aléatoirement : aumônerie, calendrier civil, cantine scolaire,
édifices cultuels, foulard, injure et blasphème, liberté de l’art, politique et
foi… après avoir rappelé que laïcité « n’est pas un mantra, un point
d’honneur ni un prêchi-prêcha ; c’est avant tout une construction
juridique fondée sur une exigence de la raison : l’égalité en droit de
tous les êtres humains. », et que la laïcité « est un principe
consubstantiel à la République, qui ne se réduit pas seulement au rapport de
l’État et de l’Église. »
Dans le cadre d’un séminaire que
je pilotais à l’ESENESR pour
le réseau des écoles de services public
intitulé, dans un premier temps, prévention du phénomène sectaire puis
transformé en éthique et déontologie du fonctionnaire dans un État laïque et
républicain, nous avions mis en évidence que les cadres des fonctions publiques
qui assistaient à ce séminaire, s’ils étaient intéressés par tous les aspects
de la laïcité, étaient surtout préoccupés par l’application dans leur quotidien
professionnel du principe (juridique) de laïcité. Par exemple, comment doit
réagir un cadre de santé lorsqu’il est confronté à une patiente qui refuse de
se faire examiner par un médecin « homme », comment se positionner si
le refus est le fait non de la patiente mais d’un tiers ? La situation en
droit est la seule chose qui concerne le fonctionnaire dans l’exercice de sa
mission. Voilà un des cas traités dans ce livre qui au-delà du dit, du
juridique, amène le lecteur à réfléchir les situations à l’aune du principe
supérieur inscrit dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme :
le droit au respect de la dignité de chacun, et le droit à la liberté de
pratiquer la religion de son choix ; ce que la Cour Européenne des Droits
de l’Homme a repris dans une jurisprudence : « le droit à la
jouissance paisible de la liberté de religion ». « Jouissance paisible »
doit interroger chacun et doit entraîner à lire le droit à la lumière de ce qui
dans chaque pays a été une métamorphose d’un culte (ou partie d’un culte) en
culture, comme la crèche de Noël.
Ainsi, la volonté des auteurs est
exprimée autour de 4 questions : « Quoi ? Où ? Quand ?
Comment ? Répondre à ces questions ponctuelles nous aidera, qui que nous
soyons, élus, maires, religieux, responsables administratifs ou associatifs,
simples citoyens, à mieux exercer une forme de cohabitation civilisée qui, si
elle n’a pas de véritable répondant en Europe ni dans le monde, a une portée
qui dépasse, et de loin, notre Hexagone. »
Mais, préalablement au « que
faire », en puisant dans les situations présentées dans ce livre, ne
devons-nous pas nous installer dans un « qu’en penser » de la
laïcité ?
Jean-Jacques LATOUILLE
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