dimanche 24 janvier 2021

Violences sexuelles sur mineur, École et formation.

 La récente divulgation d’une affaire d’inceste amplement médiatisée en raison de la personnalité de l’auteure qui la racontée dans un livre, a déclenché une vague d’émotion et d’émois. À cette occasion une foule de femmes et d’hommes politiques, de personnalités du monde artistiques et de ministres ont pris la parole, pour dire leur émoi légitime, mais aussi pour réclamer que l’État prenne des mesures « pour que cela cesse ». si on peut regretter que le monde politique dont certains ministres et le président de la République ne réagissent qu’en fonction d’une émotion et oublient le chemin parcouru des décennies dans l’appréhension de ce phénomène a de quoi inquiéter quant à leur capacité  à vraiment prendre la mesure du phénomène des violences sexuelles faites aux enfants et aux adolescents. Ce qui ressort en premier de leurs interventions c’est la puissance du silence, comme déjà en 1986 lorsqu’Eva Thomas publiait « Le viol du silence ». Ainsi, l’émotion fait qu’on se précipite à envisager des mesures, en règle générales coercitives comme c’est le cas dans la proposition de loi du Sénat de ce mois de janvier 2021, puis qu’on oublie un phénomène bien présent au quotidien jusqu’à la parution du prochain livre ou de la prochaine mise en cause par la Justice d’une personnalité médiatique. Toutefois l’État n’oublie pas d’interpeler les psychologues et psychiatres, les services d’aide à l’enfance et bien sûr l’École.

 



Comment l’École peut-elle faire face à un tel phénomène ? Comment les enseignants, en première ligne, peuvent-ils s’en emparer ? C’était pour répondre à ces questions qu’en 2004 l’IH2EF (à cette époque ESEN) avait mandaté le responsable de formation chargé entre autres de la thématique de l’éducation à la santé que j’étais pour accompagner la Direction de l’Enseignement Scolaire (aujourd’hui DGESCO) et plus particulièrement le Bureau de l’action sanitaire et sociale et de la prévention dans la préparation d’un séminaire de formation des responsables de formation des Rectorats à la problématique des violences sexuelles. Voici la lettre qui fut adressée aux Recteurs :

 

« La Direction de l'Enseignement Scolaire et l'Ecole supérieure de l'éducation nationale organisent à Poitiers, du mardi 28 septembre à 14h au jeudi 30 septembre à 12h, un séminaire intitulé " prévention et traitement de la maltraitance et des violences sexuelles : organiser des actions de formation"

 Ce séminaire a pour objectif de sensibiliser les responsables de l'organisation de la formation continue des personnels d'encadrement, dans les académies et dans les inspections académiques, à la nécessité d'organiser des sessions de formation sur le thème de la protection de l'enfance à l'intention des personnels d'encadrement afin que ceux-ci puissent répondre aux obligations de formations instaurées par la loi 98-487 du 10 juillet 1989 relative à la prévention des mauvais traitements à l'égard des mineurs et à la protection de l'enfance qui prévoit que les enseignants "reçoivent une formation initiale et continue" sur ce sujet, et que les chefs d'établissement organisent "au moins une séance annuelle d'information et de sensibilisation sur l'enfance maltraitée".

 Ce séminaire est également ouvert aux personnels des collectivités territoriales.                                                                                         

Il serait souhaitable que vous puissiez prendre contact avec la collectivité territoriale qui vous semble la plus pertinente à solliciter dans votre académie pour participer à ce séminaire, et que vous nous fassiez connaître le responsable auquel il conviendra de faire parvenir les informations. »

 

Le Ministère avait entrepris une vaste action de formation qui devait répondre d’une part au traitement de la situation et aussi aux inquiétudes des personnels des écoles et des établissements du second degré qui s’exprimaient au cours de séminaires : « A l’école, nous sommes parfois confrontés à des rumeurs venant de collègues, d’enseignants, de parents. Nous nous demandons ce que nous devons faire. Notre premier réflexe est de nous entourer d’avis et de conseils auprès de personnes qualifiées et joignables rapidement. Votre discours est rassurant. Cependant, dès que nous serons sortis, le discours sera autre dans la mesure où des pressions et des interrogations existent. Des réflexes nous conditionnent aussi puisqu’il y a des textes que nous devons appliquer dans l’Éducation nationale au sens large.  

En ce qui concerne le premier entretien, il est souvent le résultat de cette intimité psychique qui ne doit pas exister à l’école, mais qui, quelquefois, déborde et fait que l’enfant s’adresse à l’enseignant pour se confier. Nous sommes alors dans un premier entretien spontané. Dans cette hypothèse, comment les enseignants qui se trouvent alors en position d’intermédiaire, d’interface entre le discours direct rapporté et l’action à mettre en œuvre peuvent-ils agir ? »

 Mais les séminaires de formation ont contre eux de ne toucher que peu de personnes, pour pallier ce défaut ceux que nous organisions étaient « nationaux » et avaient vocation à être démultipliés en académie. Il nous incombait alors de construire des outils d’aide à l’organisation de ces actions de formation en académie. Parmi eux figurait un guide, élaboré en 2006 à l’issue du dispositif national, mais qui ne vit pas le jour comme s’éteignit dans le marais des priorités ministérielles l’intention de formation sur ce sujet des violences sexuelles.

 Ce guide s’intitulait : « Guide d’accompagnement à la formation : « prévention et traitement des violences sexuelles pour le second degré – le droit d’être protégé contre la maltraitance », dans lequel je fus chargé de la rédaction d’un chapitre intitulé « Pertinence et utilité de la formation sur le thème de l'enfant en danger. » Je livre ici le texte de ce chapitre sans l’avoir retouché ni corrigé et pas non plus actualisé. C’était en 2006.

 

La formation

 

Comme les textes antérieurs [du guide] l’indiquaient déjà, l’instruction du 26 août 1997, précisait : « la présente instruction devra nécessairement s’accompagner d’un effort important en matière de formation ». Cet effort fut fait. Fut-il suffisant ? Il est difficile de l'apprécier de façon globale tant les aspects quantitatifs et que ceux qualitatifs tellement les situations académiques sont variées. Toutefois à l’issue d’un long et méticuleux travail, dans son rapport annuel 1998/1999, la mission de prévention des violences sexuelles en milieu scolaire rapportait qu’en matière de formation initiale des enseignants, celle-ci apparaissait encore comme très insuffisante. Concernant les personnels d’encadrement, la mission indiquait qu’ils bénéficiaient d’une information pour les CASU et les inspecteurs. Pour les personnels de direction dont la formation relève de la compétence des académies, la situation est contrastée. Ils peuvent bénéficier d’une demi-journée dans telle académie, de deux jours dans une autre, il peut s’agir de modules spécifiques comme ce peut être une information incluse dans un ensemble thématique plus large. La mission concluait son propos relatif à la formation initiale en ces termes : « Au total, l’effort est réel ; il doit encore être soutenu et renforcé s’agissant des chefs d’établissement. La formation des personnels sociaux et de santé apparaît depuis longtemps complète et de qualité. ».

Quelles que soient la qualité d’une formation initiale et la volonté de ses concepteurs, les plans de charges imposent des limites qui font d’elle le début d’un long processus de formation qui devrait se dérouler tout au long de la carrière des professionnels de l’éducation. Ainsi, la mission de prévention des violences sexuelles en milieu scolaire soulignait « Elle [la formation continue] constitue un enjeu de poids dans la politique définie par l’instruction du 26 août 1997, mais souffrent de difficultés structurelles. », d’une part la formation continue repose essentiellement sur le volontariat des personnels, et d’autre part les demandes de formation étant nombreuses, notamment dans le champ de la pédagogie, la formation à la prévention et au traitement des atteintes sexuelles n’apparaît pas prioritaire.

Un effort important a été fait depuis 2000, par la DESCO et la DPATE [aujourd’hui IH2EF], pour assurer la formation des personnels d’encadrement tant en formation initiale qu’en formation continue. Ainsi, l’ensemble des inspecteurs chargés d’une circonscription du premier degré a suivi une journée d’information en 2001. Ils leurs appartient désormais, comme à l’ensemble des personnels d’encadrement, de ne pas négliger la thématique de la prévention et du traitement des atteintes sexuelles lors de la conception des plans de formation.

 

Cette partie, après celle consacrée aux apports théoriques, indiquera quelques idées, quelques pistes, afin de guider et d’aider à la conception d’actions de formation en rapport avec ces problématiques. Auparavant il nous a semblé essentiel que soit retracé, à travers les textes réglementaires, l’histoire et l’évolution de cette formation. Tout aussi essentielle la réflexion de sur le déni nous aidera à comprendre pourquoi il peut être tellement difficile de rendre attractives et efficaces des formations liées à la problématique de la maltraitance et plus particulièrement des violences sexuelles.

[Suivaient deux textes]

 

Objectifs généraux d’une action de formation continue

 

Plus encore pour une problématique comme la prévention des violences sexuelles que pour d’autres il est essentiel de rappeler quelques définitions et principes fondateurs de toute action de formation. Un regard rapide sur quelques modèles de formation peut nous aider à améliorer notre efficacité dans ce domaine de formation particulier lié à une problématique singulière. Nous ne sommes plus dans un champ disciplinaire de type scolaire ou universitaire mais face à des comportements sociaux pour lesquels il est souhaité qu’ils changent pour les uns, voire qu’ils disparaissent pour les autres. En résumé et de façon très schématique écrivons que ceux qui doivent disparaître sont ceux qui constituent les atteintes et les violences sexuelles. Pour obtenir cette disparition un certain nombre d’attitudes et de conduites doivent se transformer chez les acteurs du système éducatif ; elles constituent les comportements à faire évoluer.

 

Il est aujourd’hui admis par tous que l’éducation joue un rôle fondamental dans la tentative faite pour éradiquer les violences sexuelles. Là, il s’agit bien d’éduquer des jeunes, des élèves, pour les construire dans leur humanité et les élever vers la condition d’être social. Toutefois l’unanimité n’est pas encore totalement réalisée quant à savoir qui doit conduire cette éducation.

 

Si le rôle de la famille est indubitable, pour autant l’école ne peut pas s’exempter de toute action éducatrice dans ce domaine. Ne serait-ce que parce que certaines familles peuvent être défaillantes ; ne serait-ce que parce que l’école est le lieu principal de l’organisation et de la construction de la socialisation de chaque individu. Dès lors la question qui se pose est celle de savoir, d’une part, comment amener les personnels du système éducatif national à accepter ce rôle comme étant le leur et, d’autre part, comment leur permettre de l’assumer.

 

Trois niveaux d’intervention de formation sont possibles qui renvoient à trois modèles : la sensibilisation, l’information et la formation proprement dite.

 

Sensibilisation : action pour rendre sensible c’est à dire capable de sentir ou être particulièrement apte à sentir. Bien entendu « sentir » étant compris comme la capacité à recevoir, à prendre conscience, à connaître ou reconnaître une information relative à un phénomène particulier.

 

Information : modèle dans lequel le formateur (ou le concepteur) prend la position de conférencier et choisit l’information à donner. Cette dernière est alors diffusée à sens unique vers un auditeur qui n’est pas forcément motivé, rarement impliqué dans la construction d’un savoir propre et individuel. Les échanges en fin de conférence demeurent forcément limités à quelques-uns et n’entrent qu’exceptionnellement dans l’intimité des pratiques de celui qui questionne et en concordance avec elles.

 

Formation : une intervention profonde et globale, entraînant chez le sujet un développement dans les domaines intellectuels, physique ou moral, ainsi qu’un changement dans les structures correspondant à ces domaines. La formation, étant inductrice de changement, s’inscrit dans le cadre d’une politique prospective. La formation est idéalement un fait porteur d’avenir.

Dans une première acception la formation d’adultes est plus comprise comme un moyen de remédier à l’obsolescence des connaissances que comme une éducation à de nouveaux comportements sociaux. Dans le cas qui nous intéresse ici, la situation est particulièrement complexe. Nous pourrions avoir affaire avec des personnes qui possèdent un savoir, mais celui‑ci étant dépassé il faudrait leur permettre de l’actualiser. C’est le cas qui pourrait se présenter lorsqu’une réglementation en remplace une autre. Précisément, dans le cas de la prévention des violences sexuelles, la réglementation de 1997 ne nous retiendra pas tant parce qu’elle en remplace ou complète une autre que par ce qu’elle veut induire, de façon forte, de nouvelles attitudes chez les personnels du système éducatif. C’est bien pour cette raison, comme l’a signalé M... G..., que les textes réglementaires relatifs à la prévention et au traitement des violences sexuelles comportent tous un volet ayant trait à la formation. La complexité du sujet qui nous retient est bien là, autour de l’état des savoirs de chacun sur cette problématique mais surtout dans la capacité de chacun à entendre l’existence d’une problématique ou pour le moins de reconnaître qu’il a, dans ces situations, un rôle à jouer, une mission à remplir. Nous sommes alors ici face au déni dont parle A... Y... dans cet ouvrage. Dès lors comment le formateur va‑t‑il exercer sa pratique pour obtenir in fine que les personnels, non seulement acquièrent des savoirs sur ce problème, mais principalement modifient leurs comportements en présence de situations de violences sexuelles ?

 

Plus qu’ailleurs la question de la pertinence des modèles de formation se pose, d’une part par rapport à la gravité, à la complexité et à l’ampleur du problème à traiter, mais aussi par rapport à l'amplitude et à la multiplicité des publics à former. La sensibilisation est-elle une formation ? Est-ce qu’informer, c’est former ?

 

L’acte de former est plus large que l’espace qui peut être couvert par l’information, cependant celle-ci fait bien partie, à un moment ou à un autre, de la formation ou plus précisément d’une action de formation. La question n’est peut‑être pas d’opposer information ou formation, mais celle de savoir jusqu’où il est nécessaire d’aller avec un public donné pour atteindre les objectifs assignés par l’institution. De la même façon serait-il raisonnable d’opposer sensibilisation et formation ? Comment amener en formation ceux qui sont dans le déni que nous avons évoqué, comment penser que des responsables de formation, des concepteurs de plans de formation pourront inclure cette problématique dans leurs propositions s’ils ne sont pas préalablement sensibilisés à l’existence d’une forte corrélation entre leur mission et le traitement du problème ? Comment rendre une formation efficace, c’est à dire susceptible de provoquer des changements de comportements et de pratiques, si elle n’est pas en cohérence et en cohésion avec la capacité des destinataires à reconnaître d’abord l’existence d’un problème, ensuite à identifier leur rôle dans le traitement de ce problème et enfin à évaluer l’état de leur savoir sur la question ?

 

Nous ne répondrons pas ici à ces questions par une annonce péremptoire à propos du choix du modèle de formation à mettre en place. Bien sûr il appartient à chaque responsable de l’organisation des plans de formations d’analyser localement l’état des savoirs et celui des « savoir-faire » pour répondre au mieux aux objectifs assignés à l’institution scolaire par la réglementation : faire en sorte que chaque membre d’une communauté éducative sache identifier et reconnaître une situation de violences sexuelles, puis sache adopter une attitude pertinente et s’engager dans une procédure conforme.

 

Dès lors faut-il distinguer en deux grands champs d’intervention la formation des personnels d’encadrement et celle des autres personnels, non enseignants et enseignants ? Il est très vite apparu, au cours de traitements de situations ou d’actions de formation, que dans le champ de cette problématique beaucoup plus que dans d’autres la cohésion de l’équipe éducative est primordiale et essentielle. Plus encore, la cohérence dans les partenariats est fondamentale car essentielle à la réussite des procédures mises en œuvre, donc à l’efficacité de l’aide apportée aux victimes. Notons aussi, ce qui n’est pas un aspect moindre, que la cohésion des équipes éducatives, en leur sein et avec les partenaires, permet aussi à tous leurs membres de faire face plus paisiblement à une situation remarquablement anxiogène et destructrice.

 

Les personnels des équipes éducatives, du monde de l’éducation plus généralement, sont largement sensibilisés à l’existence de cette problématique par les médias et surtout par les textes réglementaires et d’orientation des ministères. S’ils ne savent pas avec précision quel est leur rôle tant dans la prévention et le traitement, ils savent, sinon tous du moins majoritairement, qu’ils ne peuvent pas s’exonérer d’agir. Mais comment ?

 

La formation doit donc s’adresser aux personnels au niveau du comment être et du comment agir pour faire face à une situation de violences sexuelles, avérée ou supposée. Comme l’ont montré les articles en tête de cet ouvrage l’intervention est remarquablement partenariale. Même si chacun demeure très seul, au fond, une situation d’atteintes sexuelles ne peut pas n’être que l’affaire d’un seul qu’il soit enseignant ou chef d’établissement. L’ensemble de la communauté éducative est interpellé et des partenaires multiples sont alertés à qui il revient de prendre en charge tant les victimes que les auteurs d’agression. L’expérience montre, entre autres, deux choses. Premièrement si l’institution scolaire ne cache plus ces situations qu’elles soient le fait d’agents du système ou de personnes extérieures, si elle sait de mieux en mieux rendre compte et déférer aux institutions compétentes, elle ne sait toujours que très peu aider ses personnels à vivre cette situation de crise. D’autre part, une fois l’affaire signalée, le malaise s’installe parce qu’on ne sait pas faire fonctionner correctement les partenariats. De part et d’autre on ignore trop la logique de l’autre, la communication en est rendue extrêmement difficile voire inexistante. Notamment les équipes à l’origine du signalement n’ont que trop rarement d’indication sur la suite réservée à ce signalement et, de ce fait, peuvent en ressentir un profond malaise : a-t-on bien fait en signalant ?

 

Il faut donc que les sessions de formation soient multi-catégorielles au sein de l’institution scolaire et multi-partenariales. Ces formations doivent permettre de définir le rôle de chacun et que celui-ci soit identifié et reconnu par tous et chacun. La part d’intimité de chacun mise à contribution lorsque se déclare une « affaire » oblige à ce que chacun connaisse « physiquement » l’autre pour que la parole soit libre et circule avec efficience. Ces formations doivent donc être l’occasion de reconnaître les "visages", d’identifier celui ou celle avec qui on sera en relation, car il faut de la connivence pour qu’un dossier soit bien traité. Donc, premiers principes pour ces formations, elles doivent faire appel à la multi‑catégorialité et à la multi‑institutionalité. Elles sont l’occasion pour les professionnels de se reconnaître autant que de se connaître, donc elles doivent être organisées localement, au niveau d’une circonscription, d’un bassin…

 

Dans ce contexte la modalité de formation qui semble la plus pertinente si l’on veut obtenir des participants soit qu’ils modifient leurs pratiques soit qu’ils en acquièrent de nouvelles, est celle dite de formation-action (ou form’action) qui associe une formation théorique à une formation pratique guidée sur le terrain. Roger Bazin[1] définit ainsi la formation-action : « la réunion de form’action transmet non pas un « savoir » ou un « savoir-faire » (comme dans la réunion de formation) mais un savoir-décider, un savoir-agir. D’où le néologisme form’action. ».

 

Dans cette modalité de formation l’intervenant n’est pas obligatoirement un expert, peut-être vaut-il mieux qu’il ne le soit pas du tout. Son rôle est d’exposer la situation, de rappeler le problème objet de la réunion et de demander à chacun de participer à sa résolution.  Ainsi, il doit encourager les échanges entre les participants en veillant à ce que le groupe ne s’éloigne pas du sujet. L’animateur retournera toujours vers le groupe l’information qui émane des participants, souvent après l’avoir reformulée. On voit donc que l’animateur n’apporte pas de savoir « savant », théorique ; ce type d’intervention doit être soit concomitant soit succéder à une ou des réunions d’information dans lesquelles des experts apportent ce savoir particulier.

Dans une réunion de form’action l‘intérêt n’est pas le discours de l’animateur ni le groupe mais bien le problème et sa résolution à partir des savoirs, des expériences des participants et de la façon dont ils ont appréhendé les savoirs dispensés par les experts. Il s’agit donc bien, dans un contexte défini, localisé et encadré par des textes réglementaires, d’élaborer des procédures de résolution de problème. L’animateur[2] n’est qu’un miroir de chacun. Il analyse et synthétise. Il facilite et catalyse les réactions intellectuelles et affectives … Il doit donc lui-même travailler sur les préalables en avant des problèmes perçus de façon à pouvoir inscrire la formation dans la perspective de l’institution qui est de rassembler autour d’une même logique des personnes venant d’univers différents, de faciliter un engagement des différents acteurs sur des enjeux clairs et de faire émerger une définition des rôles et des responsabilités de chacun des acteurs dans le traitement des situations. Il s’agit d’offrir un espace de réflexion sur les difficultés de repérage d’une situation de violences sexuelles, de permettre à chacun de porter un regard constructif sur les pratiques des autres et de favoriser la mise en place de réseaux locaux inter-institutionnels.

 

Il apparaît donc indispensable, outre d’élaborer des sessions de formation des personnels, d’organiser au préalable et en partenariat avec les différentes institutions (conseil général, PJJ, justice…) des sessions de formation de formateurs (ou d’animateurs) pour les conduire. Le centre ressources départemental sera un appui incontournable pour l'organisation de la formation de formateurs.

 

 



[1] Bazin R., organiser les sessions de formation, ESF, Paris, 1994

[2] Bazin R., organiser les sessions de formation, ESF, Paris, 1994

dimanche 13 décembre 2020

Maître « G » et professionnalité

 


Ce texte est l’introduction à un stage intitulé « Le maître ‘’G’’ et les apprentissages scolaires » que j’avais organisé du 22 au 26 janvier 2001 alors que j’étais Inspecteur de l’Éducation nationale chargée d’une circonscription AIS (adaptation et intégration scolaire, aujourd’hui on dit ASH).

Cette semaine fait suite à un stage tenu en mars 2000 dont l’objectif était de poser des éléments de réflexion sur le rôle des maîtres G ; en janvier 2001 l’objectif du stage visait à la création d’outils pour la prévention, la prise en charge et l’orientation des élèves, la relation avec les partenaires. Il était attendu des stagiaires qu’ils rédigent un document de synthèse susceptible d’être diffusé dans le département.

  

Dans la mouvance des remarques, des réflexions et des critiques faites autour des Maîtres G, ceux qui au sein de l’école sont chargés de prises en charges à dominante rééducative en faveur des élèves en grande difficulté scolaire, il m’est apparu indispensable que soit définie la « professionnalité » de ces personnels.

Celle-ci devrait l’être par le référentiel de compétences conséquent de celui de la formation et de l’examen pour l’obtention du CAPSAIS. Il semble, à l’expérience, que cela ne suffise pas. La question représentative de l’obstacle à l’acceptation d’une professionnalité du maître G par les autres membres de l’institution scolaire, se constitue autour de la place du maître G par rapport aux autres professionnels : enseignants, bien sûr, mais aussi « soignants » (orthophonistes, psychomotriciens, psychothérapeutes…) ; ainsi il n’est pas rare d’entendre dire des maîtres G qu’ils pratiquent des ‘’sous-thérapies’’ ou une psychanalyse édulcorée. Peut-être devrions‑nous aussi nous interroger sur le sens du mot « rééducation » qui introduit une ambiguïté sur les fonctions du maître G : rééduquer c’est refaire l’éducation. Or dans le cas des enfants qui nous sont présentés, s’agit-il de refaire une éducation qui aurait été mal conduite ou plus simplement de mettre en place une éducation ? Je suis de ceux qui pensent que le recours à un néologisme autour du préfixe ortho eût été plus pertinent. Mais là ne sont pas le débat ni l’objectif des stages proposés.

 Pour nous il s’agit de cerner ce que sont la place et la fonction du maître G dans l’institution scolaire, en faveur de quels élèves il agit et dans quels rapports avec d’autres professionnels.

 Le stage de mars 2000 nous a permis de dresser un tableau sommaire de ce que j’entends par professionnalité et que je rappelle dans le paragraphe suivant, puis de définir à quels enfants s’adresse le maître G et avec quels « moyens ». Ce second stage doit nous permettre de mutualiser vos outils et d’élaborer des outils communs, notamment des outils d’analyse nécessaires à la compréhension de la fonction du maître G dans l’institution scolaire.

 La professionnalité et l’identité : 

La question essentielle et centrale qui est posée, est celle de savoir ce qu’est un maître G :  qu’attend-on de lui ? Donc qu’elle est sa fonction au sein de l’institution scolaire sachant qu’on définit une fonction lorsqu’il existe une relation entre deux ou plusieurs termes. Ainsi, pour Merton il existe des fonctions manifestes et explicites, et des fonctions latentes : parfois masquées ou difficilement reconnues par le corps social : ne serait-ce pas ce qui se passe pour le maître G ? 


                               

Ce que nous allons chercher à observer et à rendre ‘’audible’’ par nos partenaires c’est ce qui se passe le long des flèches et qui pourrait être imagé par la question : comment le maître G répond-il aux questions qui lui sont posées ?

 En règle générale la façon de répondre définit un cadre professionnel ou pour le moins s’inscrit dans un cadre professionnel prédéfinit par l’institution. Est-ce ce qui se passe pour le maître G ?

 Ce cadre professionnel définit la profession ou (sociologiquement) l’emploi qui est instituée, reconnue juridiquement et enregistrée officiellement, ce qui entraîne des      rites sociaux de passage et des rites d’autojustification. Il se constitue alors une organisation en groupe disposant du pouvoir souvent exclusif d’exercer une activité socialement valorisée, de la réglementer et d’en contrôler l’accès.

 Dans le cas des maîtres G, sommes-nous dans ce cas de figure alors qu’ils ne sont reconnus par l’institution que comme instituteurs (ou professeurs des écoles) spécialisés, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent être vus et reconnus qu’à l’instar des autres avec, certes, un ‘’petit plus’’ constitué par le CAPSAIS ?                                                                            

Revenons à notre propos initial pour rappeler qu’une profession est une occupation qui est parvenue peu à peu à mettre en place les conditions de son institutionnalisation ce que les définitions de Weber et Parsons permettent d’appréhender. Pour Weber la professionnalisation est le passage d’un ordre social traditionnel à un ordre social où le statut de chacun dépend des tâches qu’il accomplit et où l’allocation des emplois s’effectue selon des critères rationnels de compétence et de spécialisation ; quant Parsons, il présente 4 critères de professionnalisation :

-          Prédominance de la technologie et recours à la science appliquée,

-          Autorité fondée sur la détention d’un secteur particulier du savoir et de la pratique,

-          Relation avec la clientèle orientée vers l’universalisme,

-          Poursuite du succès, réussite institutionnellement valorisée, acquisition des différents symboles de reconnaissance. 

Nous pouvons donc voir que formation et cadre réglementaire ne suffisent pas à définir et surtout à stabiliser une profession. Pour qu’une profession s’institue il faut qu’existe une professionnalité que je situe dans l’espace entre les tâches accomplies et l’emploi défini par des critères rationnels de compétence et de spécialisation, ce qui est le cadre réglementaire de fonctionnement et de formation. La professionnalité permettrait de répondre à la question : « comment est-ce que je réponds aux questions qui me sont posées dans le cadre qui m’est imposé ? ». Pour cela il faut connaître le cadre, connaître les questions qui sont posées au professionnel, se démarquer par rapport à d’autres professionnels.

 En somme : qu’est-ce qui fonde ma différence et ma spécificité ?

 Je crois fortement en la nécessité des maîtres G mais avec une autre formation (initiale et continue), un autre cadre de travail, une autre définition du travail et une véritable typologie des tâches : le maître G n’est plus un enseignant même s’il doit avoir le souci de la réussite scolaire de l’enfant et du lien avec les apprentissages. Se pose-t-on la question pour les médecins scolaires et les psychologues scolaires ?

 


samedi 24 octobre 2020

Désir d’éduquer, désir de possession.

 

Je livre dans ce court article le texte (actualisé pour le rendre compréhensible) de l’exposé des préliminaires à un travail de recherche que je présentais en mai 1994 à l’Université Lyon2. Ce texte est donné aux lecteurs comme « matière à se questionner », peut-être reprendrais-je cette recherche un jour ?

 


 

« Là-bas... là-bas, il y avait des enfants, et je passais tout mon temps avec les enfants, rien qu'avec eux.[...] Ce n'est pas que je me sois occupé de leur instruction...[...][...peut-être les instruisais-je un peu, mais je passais plutôt mon temps avec eux,..[...] je n'avais besoin de rien autre. Je leur disais tout, je ne leur cachais rien. Leurs parents et leurs familles finirent par m'en vouloir tous, parce que, à la fin, les enfants ne pouvaient plus se passer de moi et étaient toujours autour de moi ; [...] J'en eux beaucoup, d'ennemis, à cause des enfants. [...] Et que craignaient-ils donc tellement ? » (L'Idiot, Fédor DOSTOIEVSKI).

 

Le Prince (l'Idiot) pose une question clé à l'issue de la narration qu'il fait de cet épisode de vie qu'il croisa, quatre ans durant, avec les enfants d'un village. Une question qui ouvre le regard sur la voie de la méfiance : un adulte si proche, trop proche, d'enfants n'est-il pas mû par de mauvaises intentions ? Soyons clairs, n'est-il pas pédophile ?

Cette question clé interroge aussi au regard de ce que pourrait être le désir d'éduquer. Tout éducateur n'est pas pédophile, fort heureusement, mais il en est qui parfois semblent mieux réussir et alors ceux-là pourraient se poser la question de l'Idiot : « Et que craignent-ils donc tellement ? » Ceux-là sont montrés du doigt comme Itard dont l'un des biographes est convaincu de son homosexualité, comme Ruyard Walton (thérapeute du personnage principal de « quand j'avais cinq ans je m'ai tué ») qui sont mis à l'index par l'institution, et dans la littérature nous pourrions en découvrir d'autres.

Quel est l'espace, ou la marge, qui pourrait exister entre la crainte des uns et le risque (la tentation ou la réalité) d'un passage à l'acte des autres ? Faut-il, sous prétexte qu'existe la pédophilie, suspecter tout éducateur qui se comporte différemment des autres avec les enfants ? Quelle va être la frontière entre la vigilance et l'interdiction aveugle ? Qu'elle est la marge entre « être autrement avec les enfants » et un passage à l'acte délictueux ?

C'est autour de ce faisceau, flou, de questions que s'installe la problématique d’un dossier élaboré durant mess études de psychologie (en 1994) : qu'elle distance y-a-t-il entre le désir d'éduquer et un désir de possession d'enfant, terme que je posais provisoirement ?

A quels concepts faire appel pour bâtir une hypothèse de recherche ?

Puisqu'il y a désir, il me semble que c'est avec celui de libido qu'il faut travailler puisque libido, en latin, signifie envie, désir. J'ai fait reposer mon analyse préliminaire de la problématique évoquée sur la définition que Freud donnait, en 1921, de la libido : « La libido est une expression empruntée à la théorie de l'affectivité. Nous appelons ainsi l'énergie, considérée comme grandeur quantitative -quoiqu'elle ne soit pas actuellement mesurable- de ces pulsions qui ont à faire avec tout ce que l'on peut comprendre sous le terme d'amour. »

Je ne donnais pas de définition de la libido lors de mon exposé, d'ailleurs en existe-t-il une, et il faut garder du suspens pour l'exposé. Mais, nous retiendrons que se rattachent à ce concept, notamment, les termes de pulsion, de sexualité, d'investissement et de contre‑investissement.

L'hypothèse, provisoire, que je posais, est qu'il y aurait un rapport entre le désir d'éduquer et la libido, ce qui peut rendre particulièrement fragile et « dangereux » la relation adulte‑enfant.

Je m'interrogeais, ce devait être le sens de ma recherche, notamment sur la fragilité du rapport entre désir et possession au regard de ce que André Gide écrit dans Les Nourritures Terrestres : « Car, je te le dis en vérité, Nathanaël, chaque désir m'a plus enrichi que la possession toujours fausse de l'objet même de mon désir. » ... La discussion est ouverte.

 

dimanche 4 octobre 2020

Séparatisme et école : la métonymie comme remède, la haine comme résultat

 


Le séparatisme voilà bien un concept polysémique voire vide de vrai sens dans le contexte social français actuel. Il y a eu des indépendantistes bretons, corses, étaient-ils séparatistes au sens où Emmanuel Macron le dit ? À bien entendre les discours politiques dans les faits politiques le mot séparatisme désignerait l’islamisme notamment salafiste qu’on ne sait pas bien, lui aussi, définir ni circonscrire, et plus globalement il s’agirait de s’assurer que les musulmans de France sont « tous conformes » avec la République et ses valeurs. En même temps, aujourd’hui, on ne sait plus non plus très bien ce qu’est la République et moins encore ce que sont ses valeurs, le signe le plus criant de cette ignorance étant les logorrhées à propos de la laïcité et les déclinaisons approximatives de sa définition et de son application sociétale.

 

C’est donc fort de cet ensemble d’incertitudes, d’ignorance et de controverses que le président de la République véhicule, depuis quelques mois, le mot séparatisme qui est tellement vide de sens qu’on peut le raccrocher à n’importe quoi, y compris à l’école, et qui sert à véhiculer de la haine et de la peur notamment la peur de l’Autre.

 

Ainsi, c’est en s’attachant et en s’attaquant, aux deux fleurons de la création de liens sociaux chez les enfants et les jeunes mais aussi dans l’intergénérationnel qu’Emmanuel Macron prétend lutter contre un ennemi vide, vide de sens, vide de matière. Dès lors il nous propose une métonymie pour lutter contre une certaine forme de croyance ; il confond la cause et les effets et ne propose qu’un comprimé de paracétamol pour guérir un cancer en ne s’intéressant qu’à des effets qui pour la plupart ne sont que des effets supposés, pas du tout réels comme la scolarisation dans la famille. Ne nous voilons pas la face, il y a dans notre pays, comme dans d’autres, une frange de la population qui se laisse séduire par des discours religieux délétères. Force toutefois est de constater au fil de l’histoire que si les mouvements terroristes n’ont jamais été victorieux, la répression n’a jamais éteint aucune foi ni aucune croyance ; nous sommes bien placés en France pour le savoir nous qui avons connu la guerre de religion, l’Édit de Nantes et son abrogation. Alors on peut entendre que l’École puisse avoir un rôle à jouer, là se trouve l’origine des Lois Jules Ferry de 1881 et 1882 : il s’agissait de créer une communauté nationale, d’unifier la langue au mépris des patois et des langues locales, et de séparer l’instruction du citoyen de l’instruction religieuse. Dans cette ligne se retrouve l’idée des Lumières d’une éducation et d’une instruction qui soient émancipatrices ; faut-il pour autant que l’École de l’État soit le lieu unique de l’instruction ne laissant aucune liberté de choix ni aux parents ni aux enfants ? Ce n’était le vœu ni des Lumières, ni même des Révolutionnaires à l’exception de quelques‑uns, et pas du tout la volonté des Républicains entraînés par Jules Ferry.

 

Ainsi, Emmanuel Macron a annoncé que l’instruction serait désormais obligatoire au sein de l’école dès l’âge de 3 ans. Comment se fait-il qu’il ait oublié qu’une partie de cette disposition est déjà, et à sa demande, inscrite dans la loi « Pour l’École de la Confiance » et que l’autre partie, l’instruction dans l’école, est largement inscrite dans les pratiques sociales ? L’instruction obligatoire dès 3 ans est une disposition discutable mais qui n’a pas suscité de remous puisqu’environ 98 % des enfants de 3 ans fréquentaient déjà l’école. Est-ce que rendre obligatoire la fréquentation de l’École dès 3 ans va vraiment contribuer à mettre en difficulté le « séparatisme » ?

 

Oui, si on pense que l’instruction à domicile peut être vecteur de l’insufflation d’idées antirépublicaines. Donc Emmanuel Macron a annoncé que « L’instruction à l’école sera rendue obligatoire. C’est une nécessité. J’ai pris une décision, sans doute l’une des plus radicales depuis les lois de 1882 et celles assurant la mixité scolaire entre garçons et filles en 1969. », donc que l’enseignement à domicile serait « strictement limité, notamment aux impératifs de santé ». Toutefois la loi de 1882 n’avait rendu obligatoire que l’instruction, et certainement pas la fréquentation d’une école ; en France la scolarité n’a jamais été obligatoire, seule l’instruction de 3 à 16 ans est obligatoire. La loi proposée modifiera celle de 1882, en termes législatifs ce n’est qu’une question technique, mais en termes de droit il en va autrement. En rendant l’école obligatoire on dépossède les parents, et aussi les enfants quand ils peuvent le faire, du droit de choisir ce qu’ils estiment être la meilleure des éducations, on les oblige à rentrer dans un carcan étatique de la pensée unique, ce qui rappelle ce qui se passe dans certains pays pas vraiment des parangons de démocratie. Instaurer une scolarité obligatoire c’est aussi contrevenir aux dispositions de l’alinéa 3 de l’article 26 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui stipule : « Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants. » L’École étant de nos jours indissociable de l’éducation on ne peut pas empêcher les parents de choisir le type d’école ou l’instruction à domicile. En outre, l’instruction à domicile concerne moins les « séparatistes » qu’une frange réduite de la population plutôt « occidentalisée », chrétienne et appartenant aux strates aisées de la société : 0,5 % des enfants, qui appartiennent aux classes moyennes et supérieures de la population. Certes c’est un phénomène en croissance, en France mais plus généralement dans le monde, comment peut-on s’opposer simplement dans un discours à une évolution sociétale forte ? Le président de la République a toutefois précisé que ces restrictions ne concerneraient pas les enfants malades soit un peu plus de 25 000 ni les élèves en situation de handicap, les sportifs de haut niveau ou les familles en itinérance. Ne seraient visés, dit le président, que les enfants dont les parents font le choix de l’instruction à domicile pour des motifs religieux. Là nous sommes devant un vide abyssal : personne ne déclare de motif religieux au moment de la déclaration d’instruction à domicile, si c’était le contraire il faudrait que le Ministère de l’Éducation en apporte une preuve statistique fiable. Pour justifier sa proposition le président de la République a pris l’exemple de parents d’élèves refusant que leurs enfants assistent au cours de musique ou se rendent à la piscine, donc il parle d’enfants scolarisés, pas d’enfants instruits dans la famille. Comment dans « la vraie vie » empêcher que des enfants bénéficient de certificats médicaux, faudra‑t‑il que les médecins scolaires procèdent pour chaque cas à une contre-visite ? C’est un débat, dans la façon dont il est conduit, aussi stupide que l’affaire des certificats de virginité ; le mal risque d’être pire que le bienfait escompté. Finalement la mesure, en contravention avec la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, ne touchera que quelques enfants, vraisemblablement moins de 10 000 compte tenu des dérogations, dont les familles n‘appartiennent pas à la mouvance séparatiste, une broutille face aux 12 millions d’élèves, et ne réglera pas le problème qu’elle est censée résoudre. Quel bazar ! Que d’enfumage ! Du tape à l’oeil médiatique ! Indigne d’une politique raisonnée et raisonnable !

 

Le président de la République a évoqué le cas des écoles hors contrat faisant d’ailleurs un dangereux amalgame entre‑elles et les écoles illégales. Heureusement pour la paix sociale et la conservation des libertés il n’a pas remis en cause l’enseignement privé sous contrat dont il fut l’élève et son épouse un des professeurs. Cet établissement affiche sur son site internet un mot du directeur qui n’exalte pas vraiment les valeurs de la République : « La Providence est un établissement catholique d’enseignement, sous tutelle Jésuite, ouvert à tous… » Toutefois il a annoncé « une amélioration » et une augmentation des contrôles indiquant par là que les inspecteurs ne feraient pas bien leur travail sans annoncer une réforme de leurs fonctions ni une augmentation de leur nombre. Dans le même esprit le président de la République souhaite renforcer les conditions d’ouverture et de contrôle des établissements scolaires hors contrat. Ces établissements qui n’accueillent que 85 000 des 12 millions d’élèves, se répartissent suivant trois tiers : un tiers en pédagogie alternative type Montessori, un tiers laïque et un tiers confessionnel. La création de ces établissements est encadrée strictement par une loi ancienne qui prenait peu en compte l’enseignement secondaire, ce que la Loi Gâtel de 2018 a amélioré comme elle a confirmé et amélioré les contrôles des compétences des personnels et du directeur dès le moment de la demande d’ouverture. Cette demande est strictement réglementée, notamment la personne qui déclare l’ouverture (association ou personne individuelle) et qui peut être différente du directeur doit fournir un extrait de casier judiciaire, le projet pédagogique est joint à la déclaration et l’inspecteur qui va visiter les locaux et les installations en a connaissance avant sa visite (https://www.creer-son-ecole.com/formalites-academiques/), l’autorisation d’ouverture est provisoire d’ailleurs la Loi Gatel a allongé le délai probatoire, et ces écoles doivent être régulièrement visitées par un inspecteur qui doit s’assurer de l’état des connaissances des élèves comme il le ferait dans le cas d’une instruction dans la famille ce que renforce la Loi Gatel qui « affirme le principe d’un contrôle annuel de chaque établissement ou classe hors contrat et prévoit que les services de l’éducation nationale devront prévenir le préfet et le procureur de la République s’il apparaît que l’enseignement dispensé est contraire à la moralité ou aux lois ou que des activités menées au sein de l’établissement sont de nature à troubler l’ordre public ». Le chef de l’État a évoqué à propos du renforcement des contrôles celui de l’origine des financements ; je crains qu’il n’y ait une entrave à la loi et en tout cas à la bienséance : comment considèrera‑t‑on que Mohamed VI, Jef Bezos, Yannick Noa qui vit aux USA qui adresseraient un chèque à une école hors-contrat comme l’école des Roches où serait accueilli un de leurs enfants ? À partir de quand un financement venu de l’étranger sera-t-il illégal ? Pense‑t‑on que des mouvements islamistes seront assez stupides pour apposer leur signature au bas d’un chèque ? Bien des écoles hors contrat vont se trouver inquiétées injustement par une mesure qui en fait vise surtout les écoles illégales. Alors, à part l’esbroufe habituelle chez Emmanuel Macron, on ne voit pas bien où il veut en venir à propos des écoles privées hors contrat, à moins qu’il ne veuille les « nationaliser ». Sans doute faudrait-il qu’il descende de son Olympe.

 

Les cas des écoles illégales sont tout autres, puisque par essence, elles ne font l’objet d’aucun contrôle de la part des autorités académiques. À ce sujet le président de la République a surtout évoqué des « déscolarisations » qui font suite à des demandes de dérogation pour tel ou tel enseignement (sport, piscine…). Les seraient déclarés comme bénéficiant d’une instruction à domicile mais ne suivent pas en réalité les cours du CNED, l’établissement public dédié à l’enseignement à distance. Ils se retrouvent dans des « structures nullement déclarées ». Autre ignorance, la scolarisation dans la famille n’oblige en rien une inscription au CNED, et s’il y a eu déclaration d’instruction à domicile ces enfants sont connus, repérés et font l’objet d’un contrôle de leur évolution scolaire conduite par un inspecteur de l’Éducation nationale. Sans doute, mais il faut plus d’inspecteurs, pourrait-on augmenter le nombre de visites au domicile : une fois par an au lieu de 3 fois entre 6 ans et 16 ans. Donc si ces enfants rejoignent une école illégale l’administration dispose des moyens juridiques et en personnels pour les « repérer », en outre en cas de manquement à ses obligations d’instruction la famille peut se voir retirer le bénéfice des allocations familiales. Reste le cas d’enfants qui n’auraient jamais été signalés à l’autorité académique et qui pourraient ainsi rejoindre « clandestinement » une école illégale. Curieux cas de figure, étonnant cas de figure car les mairies disposent du registre des naissances qui d’ailleurs sert aux prévisions d’ouverture de classes ; chaque année les mairies communiquent le nombre de naissances à l’autorité académique. Là, il faut prendre en compte les déménagements qui amèneraient dans une commune des enfants « inconnus ». Combien d’enfants fréquentent ces écoles illégales et clandestines ? D’après le ministre de l’Éducation nationale ce sont 25 000 enfants qui seraient concernés sur les 12 millions d’élèves, et ajoutons que la plupart d’entre eux sont connus des services de l’État et de mairies donc, contrairement à ce que dit Emmanuel Macron, s’ils sont en dehors des radars de l’Éducation nationale c’est parce que celle‑ci ne fait pas fonctionner ses radars. Le président contredit lui‑même ses propos, comment ces enfants échapperaient‑ils aux radars alors, dixit son discours, si « Chaque semaine, des recteurs et rectrices trouvent des cas d’enfants totalement hors système. ». Commençons donc par appliquer les lois existantes avant de monter de nouvelles usines à gaz.

 

Le 2 octobre Médiapart écrit : « Emmanuel Macron a décrit des élèves qui suivent des cours religieux de 8 heures à 15 heures derrière « des murs, presque pas de fenêtre, des femmes en niqab qui les accueillent, des prières, certains cours, voilà leur enseignement ». Pour accréditer ces récits, le chef de l’État a évoqué une directrice d’école de Maubeuge qui lui aurait fait part de certains exemples analogues lors d’une visite. » D’abord on ne comprend pas bien comment une directrice d’école peut être aussi affirmative et sur quelle base de connaissances de faits s’appuie‑t‑elle ? Si les faits qu’elle affirme sont avérés elle a commis une faute professionnelle grave en ne les signalant pas aux autorités académiques. Bon, il faut bien que le président de la République étaye son discours, plutôt creux, avec des exemples fussent‑ils apparentés à des fake news. Au-delà des effets de discours ne nions pas que ces écoles illégales existent d’autant que tout regroupement d’enfants de familles différentes autour d’une personne dispensant un enseignement est appelé « école ». Elles existent et j’ai eu l’occasion d’avoir connaissance d’une telle école lorsque je travaillais pour le compte de l’école de formation des cadres de l’Éducation nationale (IH2EF) sur le phénomène sectaire : elle n’avait pas de lien avec le monde salafiste, même pas avec le monde musulman ou arabophone, elle était on ne peut plus catholique. Je fus informé de son existence par la cellule de vigilance contre le phénomène sectaire du ministère de l’Éducation nationale et par la Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires (MIVILUDES) que l’actuel président de la République a dissous privant ainsi l’État d’une source d’information précieuse. La prévention contre les dérives sectaires est aujourd’hui gérée par un service du ministère de l’Intérieur : Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, ce faisant l’État abandonne tout un pan du phénomène sectaire et concentre son action sur un certain type de radicalisation, celle dite islamiste. Je raconterai un jour comment et pourquoi j’ai dû abandonner le stage des rencontres du Réseau des Écoles de Services Publics, notamment parce que pour les auditeurs l’axe de discussion, la réflexion étant absente de leur champ, n’était que le regard sur la délinquance et d’autre part il manquait parmi les stagiaires ceux de l’Éducation nationale et ceux de l’École nationale de la magistrature.

 

Si la MIVILUDES avait mis en évidence la réalité du phénomène sectaire, si les inspecteurs de l’Education nationale par les visites dans le cadre de l’instruction à domicile avaient pu repérer l’existence de sectes, il n’est pas apparu que le nombre des écoles clandestines a explosé. Indubitablement il y en avait, mais l’explosion n’était pas là. Sans doute depuis quelques années, avec la croissance du phénomène islamiste salafiste il en existe plus, de là à dire qu’elles sont une menace pour le pays, c’est une autre paire de manches. Pour autant il n’y a pas de raison de ne pas les confronter aux exigences de la Loi, et l’État dispose de tous les outils pour en assurer le repérage et le contrôle.

 

Quoi qu’il en soit ne sont potentiellement « dangereuses » que les écoles illégales qui professent un enseignement contraire aux règles de la République française, mais sont-elles une cause ou un effet ? Dans son discours le président de la République a inscrit la lutte contre le « séparatisme » dans une métonymie en confondant la cause et l’effet lorsqu’il parle de l’École. La loi donne tous les moyens à l’État pour lutter contre les effets, si on considère que les écoles illégales sont une conséquence ou un moyen d’installer le « séparatisme ». Comment peut-on penser qu’elles sont la cause du « séparatisme » ? Quand on veut traiter une maladie il est nécessaire de soigner les effets mais il est aussi indispensable de rechercher et de remédier à la cause. Dans l’amalgame qu’a fait Emmanuel Macron entre écoles privées sous contrat, écoles privées hors contrat, instruction dans la famille et écoles illégales, il a installé du doute, de l’inquiétude, de l’anxiété, de la peur et sans doute de la haine en même temps qu’il a ravivé de vieux démons jamais absents de l’âme humaine.

dimanche 16 août 2020

Le chef d’établissement et la conduite d’une politique locale d’éducation : entre partenaires et interlocuteurs.

 

 


Texte écrit pour Le Guide Bleu des personnels de directions, Ministère de l’éducation nationale, version 2007, chapitre « Les interlocuteurs de l’établissement et du chef d’établissement dans le domaine pédagogique »

  

 

L’établissement public local d’enseignement, au service de l’éducation des élèves de son territoire d’implantation, doit autant tirer des ressources de tous ordres de ce territoire que contribuer à son animation et à son développement. Là se trouve une des conditions essentielles de la réussite de son projet pédagogique. En même temps apparaissent les mises en tensions possibles relevant d’enjeux intimement liés au choix de posture par des acteurs dont les intérêts varient suivant la position sociale qu’ils adoptent, par exemple, entre citoyen ou professionnel. Alors, où et quand y a-t-il partenariat ?

  


Déjà, avant François Guizot et Jules Ferry, tout le 19e siècle voyait les rapports entre l’école et le « local » osciller dans « les ambiguïtés d’un monopole d’État à géométrie variable », pour reprendre la phrase de Claude Lelièvre, pour aboutir à un État remarquablement centralisateur en matière de politique éducative. Depuis la décennie 1970-1980 le « local » fait un retour en force fondé sur deux constats en matière de politique éducative. Le premier est lié à l’existence persistante de différences régionales en matière d’offre de formation malgré la centralisation des décisions et des modes de gestion, et cela jusqu’au plus intime de l’offre de chaque établissement. Le second, c’est l’inévitable bouleversement des modes de gestion du système éducatif entraîné par les lois de décentralisation, notamment celle du 13 août 2004, et son corollaire : la déconcentration des services de l’État.

 

Regarder les disparités géographiques de l’école c’est se pencher sur les rapports qu’elle entretient avec la société, et plus particulièrement c’est s’interroger à propos de l’écart entre l’offre de formation et la demande sociale. Mais c’est aussi questionner les inégalités sociales et la sensibilité différentielle des groupes sociaux aux inégalités géographiques. Dès lors les politiques d’éducation n’échappent pas à une territorialisation dans laquelle le concept de « local » est prévalent.

 

Comment, l’établissement scolaire du second degré, à l’instar des écoles primaires, pourrait-il ne pas être un « établissement local » ? Ce faisant il devient le centre d’un réseau de partenaires locaux qui, à des titres divers, sont co-organisateurs et acteurs d’une politique locale d’éducation. Pour autant, contrairement à d’autres pays, il demeure, en France, une politique d’éducation nationale définie et gérée par l’État. Les politiques locales ne peuvent pas s’émanciper de la politique nationale ; à la fois elles la déclinent et elles la complètent.

 

Dans une telle évolution on voit un ensemble de dispositions législatives qui réaffirment les objectifs généraux et nationaux de la politique éducative : « l’État garantit l’exercice du droit à l’éducation et à la formation à tous les enfants et les jeunes qui vivent sur le territoire national quelle que soit leur origine sociale, culturelle ou géographique. », et par ailleurs un cadre de diversification des réponses éducatives que traduisent bien la création des Établissements Publics Locaux d’Enseignement et la dynamique souhaitée pour le projet d’établissement. Cela se traduit par une autonomie renforcée des établissements, par la volonté d’entraîner les établissements à plus s’ouvrir à leurs partenaires, et surtout par la demande adressée au système éducatif dans son ensemble de développer la collaboration et la concertation avec les collectivités locales.

 

Ce survol de l’évolution d’un système d’éducation défini par une politique hypercentralisée vers une territorialisation de plus en plus fine nous invite à prendre en compte les éventuelles tensions entre le respect des objectifs nationaux et l’adaptation aux situations locales. Ces tensions peuvent être d’autant plus exacerbées par la capacité d’initiative des acteurs locaux. Dans ce système complexe, où donc se fait jour une mise en tension d’intérêts divers parfois antagoniques, le rôle des chefs d’établissement est devenu central. Désormais ils se trouvent au point de convergence de la déconcentration des services de l’État en tant que représentant de celui-ci et de la décentralisation en tant que président du conseil d’administration de l’établissement et signataire, non pas comme président mais « seulement » comme chef d’établissement, d’une convention avec la collectivité territoriale qui lui fixe des objectifs de gestion à atteindre dans le cadre des compétences transférées par la loi du 13 août 2004 (gestion des personnels TOS, restauration, hébergement…).

 

Désormais les services de l’État, notamment d’éducation et de formation, s’inscrivent moins dans des logiques de production et d’injonction que dans des logiques d’encadrement et d’accompagnement d’actions co-construites dans des contextes territoriaux. La démarche ne peut être que contractuelle entre un État garant de la politique nationale d’éducation, des acteurs publics territoriaux sous un régime de libre administration et représentants des « intérêts locaux », des services ou structures de l’État déconcentré, le tout vivant dans un système de fonctionnement collectif au service des usagers. Les questions qui se posent sont alors :

-           Comment penser l’articulation entre les rôles des différents niveaux d’organisation du territoire en matière de définition et de gestion des politiques d’éducation et de formation ?

-           Comment prendre en compte les particularités locales dans le respect d’une politique définie nationalement ?

-           Comment organiser la complémentarité entre ce qui relève de la politique nationale d’éducation (programmes, diplômes…) et ce qui relève du péri et de l’extrascolaire (accompagnement scolaire, logement des étudiants, services culturels) ?

 

Le chef d’établissement, s’il est centre d’un réseau d’interlocuteurs locaux, doit aussi être celui qui :

-           Met en synergie les intérêts des uns et des autres,

-           Crée du lien entre les projets d’initiatives variées,

-           Met de la cohérence entre les actions,

-           Tisse des liens entre les acteurs…

 

Le chef d’établissement est donc le moteur et le modérateur d’un réseau partenarial dont le seul objectif doit être le service de l’usager dans le respect de la politique nationale d’éducation et en accord avec les politiques locales.

 

Le partenariat est une organisation collective d’énonciation et de conduite d’un projet. Ce qui rejoint ce qu’en dit Danielle Zay lorsqu’elle écrit : « le minimum de définition du partenariat comprend l’engagement dans une action commune négociée ». Ainsi, un partenariat est d’abord le constat de problèmes communs. Il peut aussi être, c’est très souvent le cas, une réponse à une situation qui existe depuis longtemps mais qui, à un moment, accède à la publicité et qui oblige à chercher des issues hors des habitudes. Ensuite, le partenariat c’est un territoire polymorphe où se répartissent des zones d’intervention et d’influence en dehors de hiérarchie et de statut. Enfin, lorsqu’on parle de partenariat il ne faut pas oublier qu’il concerne des acteurs qui sont des personnes avant d’être des institutions. Ces acteurs sont, chacun à leur place, l’individu qui détient une parcelle utile d’information et de savoir‑faire au sein de l’organisation (pas seulement institution) dans laquelle il œuvre. Ces acteurs dégagent un espace de manœuvre, des modalités de régulation et des procédures d’évaluation. Pour autant tout acteur n’accède pas au statut de partenaire tel que nous concevons le partenariat. Être partenaire c’est, outre la détention du pouvoir d’action, posséder le pouvoir de décision dans la conception et la mise en œuvre du projet. La différence est ténue, mais si l’acteur peut bloquer le déroulement d’un projet, par exemple par un refus de faire, il n’est pas obligatoirement celui qui décide de l’existence du projet, moins encore des choix stratégiques et de l’allocation des moyens.

 

Ainsi, à travers les différents textes législatifs et réglementaires qui fondent et organisent l’EPLE, ceux qui concernent le transfert de compétences de l’État vers les collectivités territoriales (décentralisation) concomitants de ceux relatifs à l’organisation de l’État (déconcentration), et en prenant en compte les différentes politiques publiques qui en appellent ou qui concernent l’éducation (politique de la ville, politique de cohésion sociale, politique de formation professionnelle…), nous voyons se dessiner les territoires d’action et poindre les acteurs partenaires. En 1981, par exemple, l’instauration des ZEP et la mise en place de la politique de la ville amènent à parler de partenariat dans plusieurs textes réglementaires où on trouve ces mots : « les partenaires habituels de l’école ». Dès lors on parlera de projet, d’innovation, d’équipe pédagogique et, dans la loi d’orientation pour l’école de 1989, de communauté éducative. Voilà autant de termes qui ouvrent vers l’autre et vers la mise en place de collaborations. L’apparition du mot partenariat dans plusieurs textes réglementaires traduit un changement de conception des relations de l’école avec ceux avec lesquels elle travaillait déjà. Désormais ceux-là vont avoir un rôle fort et reconnu à jouer dans l’accomplissement des missions du service public d’éducation. Il ne s’agit plus pour nombre d’entre eux d’avoir une aide ponctuelle, de rendre un service, mais on reconnaît leur capacité à participer au service public d’éducation et de formation, y compris sur le plan pédagogique. Désormais l’espace pédagogique, duquel les enseignants tiraient leur légitimité, est un espace partagé ; là encore le chef d’établissement se trouvera au centre du réseau et responsable de la cohérence des projets. Mais, du coup, les enseignants et les usagers n’ont-ils pas aussi une place partenariale dans le système, ou sont-ils simplement acteurs ?

 

Le partenariat entre les structures concourant à la politique de l’éducation nationale est le résultat, pour l’instant inachevé, d’un long parcours. Il n’y a pas le lieu ici de disséquer la structure anthropologique de l’école mais rappelons au moins qu’elle s’est construite suivant deux axes majeurs. Le plus ancien se dessine autour du fait que la famille ou le groupe délègue à un tiers tout ou partie de l’éducation des enfants. Le second, apparu essentiellement au moment de la Révolution, est celui suivant lequel la Nation prend en charge une partie de l’éducation des enfants, notamment leur éducation citoyenne. Souvenons-nous des luttes au moment de la présentation des lois par Jules Ferry qui ont abouti au fait d’une part qu’on parlât alors d’instruction plutôt que d’éducation et, d’autre part, qu’il soit permis d’instruire son enfant chez soi. C’est autour de la mise en dialectique de ces deux mots, éducation et instruction, que doit se discuter la notion de partenariat au sein de l’école. Ainsi, les enseignants en tant que professionnels et plus encore en tant que fonctionnaires, s’ils sont les premiers acteurs des politiques d’éducation et de leur déclinaison en projets et en actions, sont-ils pour autant des partenaires qui doivent décider des politiques ?

 

 

A)     Partenaires ou acteurs internes de l’établissement :

 

Le choix de situer les enseignants en tout premier lieu, n’a pas d’autre origine que la reconnaissance de leur rôle moteur dans la mise en place et la conduite des actions de tout projet à commencer par celui de l’établissement.

 

Les enseignants entretiennent des « relations souvent ambiguës » avec le chef d’établissement à qui l’administration demande qu’il soit un véritable manager de ressources humaines alors qu’il ne dispose d’aucun pouvoir ni d’aucune autonomie en matière de recrutement et de gestion. Tout au plus peut-on lui reconnaître une légère autorité en matière d’évaluation à travers la note administrative qu’il propose. Par contre on peut s’attendre à ce que le chef d’établissement, transmetteur, médiateur et animateur au niveau local des réformes, exerce un management fort et dynamique au niveau de la pédagogie. Si certains peuvent contester sa légitimité pédagogique, personne ne peut contester son rôle et son autorité en matière d’organisation des structures pédagogiques de l’établissement dont il est investi, de sa responsabilité notamment à travers la DHG, l’organisation des emplois du temps, la formation continue des enseignants… Pour autant il ne faut pas méconnaître l’autonomie individuelle assez grande dont disposent les enseignants dans leur pratique pédagogique en classe. Si cette autonomie est nécessaire, elle peut être un frein au changement donc à la mise en œuvre de projet et a fortiori d’une politique d’éducation qu’elle soit nationale ou locale.

 

Les enseignants ne sont pas les seuls professionnels à travailler au sein d’un EPLE. « De façon générale, mais plus accentuée dans les établissements de la « périphérie[1] », on observe un accroissement et une diversification des personnels qui prennent en charge de nombreuses tâches éducatives, sociales, sociomédicales en principes complémentaires aux activités d’enseignement. », écrit Agnès van Zanten dans « les politiques d’éducation ». Cette remarque pourrait être complétée par un dessin d’une carte géographique des territoires internes de l’EPLE dont les deux principaux sont celui « de l’intérieur de la classe » et celui « de l’extérieur de la classe ». Leur caractéristique, aux deux cités mais aussi à tous les autres, est leur capacité d’exclusion de ce qui appartient à l’autre. Ce qui est dans la classe relèverait du seul enseignant, ce qui est de l’extérieur relèverait du CPE, du COP, de l’infirmière, etc. Or, si on s’intéresse à l’enfant ou à l’élève, c’est-à-dire à l’usager, le système ne peut être efficace que si toutes ses composantes œuvrent en synergie et en cohérence pour un seul objectif qui ne peut être que celui de l’amélioration, éducative et culturelle, de l’individu.

 

Le chef d’établissement a donc à conduire et à guider des personnels (cela s’appelle le management) qui sans vraiment manifester d’hostilité les uns envers les autres ont tendance à s’ignorer. Il a à porter et à faire reconnaître une des valeurs essentielles de l’école : l’indivisibilité de la tâche éducative. Seules les actions peuvent être divisées et réparties, mais pas l’éducation. La tâche éducative est par essence un projet, celui au service du devenir de l’élève, et par conséquent elle relève du concept de partenariat ; mais il s’agit là d’un partenariat qui se situe à un niveau infrapolitique. Si la formule, trop caricaturale et donc réductionniste, est permise, il s’agit alors d’un partenariat d’action qui arrive après qu’aient été activés les partenariats de l’ordre politique. C’est dire combien le chef d’établissement a un rôle fédérateur primordial et prépondérant à jouer en matière d’organisation pédagogique et éducative auprès et avec tous les personnels de l’établissement pour que les décisions issues du partenariat « politique » et décisionnel trouvent un écho à travers un partenariat d’action.

 

B)      Agents et partenaires internes à l’institution Éducation nationale :

 

Si le chapitre précédent montre le rôle du chef d’établissement et sa légitimité en matière d’organisation pédagogique de l’établissement, il a aussi permis de voir que sa légitimité peut être parfois contestée ou pour le moins peu reconnue par les enseignants. Pour asseoir et consolider son autorité dans ce domaine le chef d’établissement dispose d’une part de la légitimité qui lui est accordée par sa lettre de mission et par la validation du projet d’établissement par l’autorité académique et, d’autre part, de l’aide que les corps d’inspection doivent lui apporter.

 

Le chef d’établissement et l’administration de l’éducation nationale ne peuvent plus, de nos jours, se contenter de relations fugaces et aléatoires. Le rectorat et l’inspection académique, parce qu’ils attribuent les moyens en personnels, ne peuvent pas s’exempter d’une connaissance très approfondie de l’environnement de l’EPLE, de ses caractéristiques et de son projet. La simple lecture de documents, aussi bien rédigés qu’ils soient, ne suffit pas à dessiner une image suffisamment précise d’une organisation dont l’essentiel de l’activité repose sur de l’humain et dont la production elle-même est de l’humain. Il est donc nécessaire et indispensable que le chef d’établissement entretienne des rapports fréquents, sur des bases solides et objectives, avec les autorités académiques. Notamment il devrait pouvoir se mettre en place, entre l’EPLE et les autorités de tutelle, un véritable reporting ; c’est-à-dire que le compte rendu qu’un chef d’établissement fait de son activité entraîne une mise en réflexion et une mise en action en réponse ou en accompagnement de l’évolution de la situation dont il a la charge du pilotage. Il se définirait alors un partenariat dans la mesure où le reporting pourrait constituer un des éléments essentiels de la prise de décision par l’autorité administrative. Mais, compte tenu de la lettre de mission comment se situe le chef d’établissement : partenaire ou agent ?

 

D’autre part, il ne peut pas y avoir de pilotage pleinement efficace si le pilote n’est pas associé à la dynamique d’inspection et de contrôle des structures qu’il conduit. Aussi est-il indispensable que les corps d’inspection œuvrent de concert avec le chef d’établissement pour toute action de contrôle à l’intérieur de l’établissement. Il s’agit bien là d’aller au-delà de la visite protocolaire avant l’inspection d’un enseignant. Peut-être est-il opportun de se poser la question de l’efficacité d’une inspection qui ne prendrait pas en compte les caractéristiques et le projet d’établissement, tout comme on s’interrogera de la portée d’une inspection dont le chef d’établissement ignorerait tout de ses résultats s’ils peuvent être en rapport avec le fonctionnement de l’établissement qu’il pilote et à propos duquel il rend compte. En outre, le chef d’établissement qui doit être associé à la dynamique d’inspection, trouve auprès des inspecteurs des experts compétents pour l’aider dans l’organisation pédagogique de l’établissement et dans l’impulsion et le montage de projets au regard des attentes des disciplines. Il semble bien que la mise en place du socle commun de connaissances rendra encore plus indispensable ce type de collaboration.

 

Faut-il situer les bassins d’éducation et les districts, géographiquement et fonctionnellement, entre l’administration académique et les corps d’inspection ? Vraisemblablement pas, tant ils sont de nature différente. Outre le rôle d’harmonisation entre les établissements qu’on voulait leur faire jouer, ils représentent un lieu d’échange entre professionnels d’un même territoire. Ils ne sont pas, pour l’instant du moins, un lieu d’administration ou une instance d’expertise. Il s’agit alors, à partir du partage d’analyses et d’expériences, d’organiser une offre de formation cohérente sur un territoire donné. Il conviendrait de leur consacrer un chapitre pour analyser leur diversité et les modes de fonctionnement en même temps qu’on les confronterait à la myriade des réseaux pouvant exister dans les territoires et susceptibles de provoquer ou de conforter du partenariat dans un cadre de coconstruction de politiques locales d’éducation.

 

C)     Interlocuteurs ou partenaires externes à l’institution Éducation nationale :

 

a.        Les collectivités territoriales

Dès les premières lois de décentralisation de 1982-1983, et plus précisément avec le décret de 1985 relatif aux EPLE, les relations entre l’établissement scolaire du second degré et les collectivités territoriales sont devenues à la fois naturelles et réglementées. La collectivité ayant notamment en charge la construction et le gros entretien des EPLE de sa compétence, faisant de celui-ci un quasi-locataire, comment envisager qu’il n’existât point de relations fortes. D’autant plus que la collectivité siège au conseil d’administration et reçoit comme compétences particulières la possibilité d’organiser des activités éducatives, sportives et culturelles dans les locaux scolaires et que, d’autre part et par exemple, le département recevait la compétence de l’organisation de la gestion et du financement des transports scolaires.

La loi du 13 août 2004, dite Acte 2 de la décentralisation, transférait de l’État vers les collectivités territoriales de nouvelles compétences : gestion des personnels TOUS, hébergement, restauration… En plus, le département dispose désormais de l’organisation de la sectorisation des aires de recrutement des collèges ; la région a en charge l’adoption et la mise en œuvre du PRDF. Mais surtout, il faut appesantir la réflexion sur l’article 82 de cette loi qui organise le transfert des personnels TOUS vers les collectivités territoriales. De cet article il faut retenir, pour le sujet qui nous intéresse, qu’il prévoit que le président de la collectivité fait connaître au chef d’établissement les objectifs et les moyens qu’il met à la disposition de l’EPLE pour la mise en œuvre des compétences incombant à la collectivité. Il est dit que le chef d’établissement met en œuvre les objectifs de la collectivité et lui rend compte. D’évidence la nature de la relation entre le chef d’établissement et la collectivité territoriale évolue, d’autant que la collectivité sera désormais plus représentée au sein du conseil d’administration de l’EPLE dont le chef d’établissement, représentant de l’État, demeure le président. De naturelles et réglementées les relations doivent en plus être empreintes d’un très grand professionnalisme et reposer sur les qualités du reporting donc sur celles des analyses et des évaluations. Ce n’est pas là la moindre des expertises désormais attendues du chef d’établissement.

 

Mais alors, on mesure la difficulté de positionnement dans laquelle le chef d’établissement se trouve par rapport à la collectivité territoriale : tantôt agent quand il signe la convention et qu’il doit rendre compte de l’atteinte des objectifs, tantôt partenaire en tant que représentant de l’État au moment de la présentation du projet d’établissement au conseil d’administration.

 

b.       Les services déconcentrés de l’État

La multiplication des contrats entre l’État et les collectivités territoriales dans le cadre de différentes politiques renforce l’obligation de partenariat entre l’EPLE et les collectivités territoriales, dont les communes et les structures d’intercommunalités dont nous n’avons pas parlé plus haut. Mais aussi, l’EPLE n’échappe pas au fait de travailler avec les services déconcentrés de l’État : police, gendarmerie, justice, santé… Toutefois le chef d’établissement doit-il aller au-delà du « travailler ensemble » pour installer, chaque fois que la situation le rend nécessaire, un véritable partenariat reposant sur des projets co-construits. Par exemple, il est pertinent d’aller au-delà d’actions ponctuelles d’information de prévention des conduites addictives pour élaborer, pour l’établissement, une politique d’éducation à la santé avec les services de santé de l’éducation nationale, le CESC de l’établissement, les services de la DDAS, etc… Que dire de ce qui concerne la problématique de l’accompagnement scolaire dans le cadre de ce que prévoit la loi de cohésion sociale… etc.

 

c.        Les autres administrations

Sous cette dénomination nous entendrons des associations para-administratives, des GIP, etc dont les objectifs rejoignent ceux dévolus au système éducatif ou dont les actions ou décisions peuvent avoir une répercussion sur le fonctionnement de l’EPLE.

Par exemple n’est-il pas inutile d’entretenir des relations régulières avec une chambre des métiers. Autre exemple, celui de la Maison Départementale des Personnes Handicapées avec laquelle il semble désormais indispensable de travailler régulièrement puisque depuis janvier 2006 elle a la responsabilité de l’organisation de la prise en charge et de l’accompagnement des élèves en situation de handicap.

 

D)     Partenaires ou usagers ?

a.        Les élèves

L’évolution de la société et corollairement l’émergence d’un droit des « enfants et des adolescents » positionnent différemment les élèves dans la communauté éducative et dans leurs rapports avec les fonctionnaires. Pour autant cela ne leur confère pas l’exercice d’un droit absolu ni une quelconque possibilité de s’émanciper des règles du droit général et de celles particulières du règlement intérieur. Mais cet état de fait oblige le chef d’établissement à prendre en compte les élèves comme des usagers. Pourrait-il en être autrement puisque tout ce qui se fait dans l’établissement n’est, in fine, destiné qu’à eux ? Pour cette raison la loi encadre l’élection de délégués des élèves qui les représentent dans les conseils de classe, le conseil d’administration de l’EPLE, au conseil de la vie lycéenne… Pour autant, suivant la volonté du législateur, cette relation entre le chef d’établissement et les délégués des élèves, et plus généralement à travers eux l’ensemble des élèves, ne doit pas être dépourvue de dimension éducative. Cela pose la question de l’existence d’une possible coconstruction de l’action éducative avec celui qui en est le bénéficiaire naturel. Or, co-construire avec un élève, y compris au niveau de l’action pédagogique, l’espace éducatif dans lequel il doit évoluer, n’est-ce pas conduire cet élève à donner du sens à l’action éducative ?

 

b.       Les parents d’élèves

La place des parents d’élèves a remarquablement évolué depuis les années 1970. Ils ont acquis un droit de regard sur le fonctionnement général de l’établissement qui va bien au-delà de la simple relation entre leur enfant et l’établissement. Ils sont donc à la fois utilisateurs lorsqu’il s’agit de leur enfant et coadministrateurs, en tant que citoyens et contribuables, lorsqu’on invoque l’intérêt général. On voit que la relation partenariale est teintée d’ambiguïté, d’autant plus que, la scolarité étant obligatoire jusqu’à 16 ans, les parents ne peuvent pas se soustraire au devoir d’être parents d’élèves.

 

Le chef d’établissement se trouve, une fois encore, au centre d’un nœud relationnel où se rencontrent des tensions d’intérêts et d’enjeux fortes. Les enseignants demeurent toujours maîtres de la plupart des décisions concernant l’élève, et en face les usagers ne sont pas en mesure de proposer de modèle alternatif. Par contre il apparaît que le poids des parents, acteurs du système, pèse de plus en plus lourd sur le fonctionnement des établissements, notamment en ce qui concerne l’intérêt qu’ils portent à la qualité de la scolarité proposée à leur enfant. Cette situation oblige le chef d’établissement à les considérer non pas comme de quasi-clients mais comme de véritables partenaires d’une part dans le champ de la coéducation mais aussi, plus globalement, dans celui de la construction de la politique d’éducation de l’EPLE, même si là ils peinent à construire une cause commune.

 

E)      Des interlocuteurs occasionnels, pourquoi pas partenaires :

 

Les établissements scolaires, parce qu’ils vivent dans un territoire et qu’ils ont pour mission de former les élèves en vue de leur insertion sociale et professionnelle, ne peuvent pas être coupés du monde économique de la production et des services. D’ailleurs de nombreux textes encouragent ce type de relations en même temps que d’autres encadrent les possibilités de découverte de l’entreprise par les élèves. Le chef d’établissement est tenu de connaître, et de mettre en œuvre, ces textes comme ceux concernant le stage de découverte de l’entreprise pour les collégiens, celui des jumelages avec les entreprises, ceux régissant la formation en alternance… Pour que cette mise en œuvre se fasse dans des conditions optimales, il est impératif que le chef d’établissement établisse et entretienne des liens avec le tissu économique proche.

 

Pour de très nombreux projets l’établissement peut avoir recours à des associations. C’est le cas pour des actions in situ : animation culturelle, éducation pour la santé…, ou pour des projets qui se dérouleront à l’extérieur : classes « transplantées », voyages linguistiques… Il est indispensable que le chef d’établissement, qui engage sa responsabilité, soit en mesure d’avoir avec les représentants de ces associations des relations de professionnel à professionnel, des relations partenariales, plus que celles de producteur à consommateur c’est-à-dire entre interlocuteurs. Il doit, entre autres, toujours avoir présent à l’esprit que ces intervenants extérieurs à l’institution ont le devoir de respecter un certain nombre de principes et de valeurs : laïcité, neutralité, absence de tout prosélytisme…

 

       D) La communication

 

Enfin, il faut citer les médias qui sans être des partenaires sont des interlocuteurs particuliers. De nos jours tout chef d’établissement doit être préparé à répondre à la presse autant qu’à l’utiliser. C’est parce qu’il aura entretenu avec les journalistes des relations régulières et de qualité que le jour d’une crise les choses se passeront bien. La confiance ayant été établie les journalistes ne seront pas vécus comme des intrus et eux, de leur côté, sauront accepter que tout ne leur soit pas dit, en même temps qu’ils auront les éléments pertinents pour bien analyser la situation. En outre, l’établissement doit savoir communiquer sur ce qu’il sait faire et ce qu’il réussit, c’est la condition sine qua non d’ouverture de l’établissement à son environnement et vers les parents d’élèves.



[1] Suivant la classification de Agnès van Zanten, L’école de la Périphérie, PUF

Avant Jules Ferry il y avait des écoles

  Ce billet est un complément autant qu’une explicitation de mon précédent billet : « Monsieur le Député : Non ! L’enseignement privé ce n’e...