vendredi 31 juillet 2020

École et territoire




Article paru dans la revue des Stagiaires du

Centre de formation des inspecteurs de l’éducation nationale.

Centre Bessière, Paris, 1995

 

 

 

« Un premier constat s’impose : l’école « en chair et en os » s’inscrit dans un espace local qu’elle ne peut ignorer. La prise en compte des liens que tisse l’école entre cet espace local et l’espace national… » (Duru-Bellat et Henriot-van Zanten : sociologie de l’école, Armand Colin).

 

Espaces et territoires :

D’évidence l’école se situe dans des espaces si l’on veut bien prendre en compte qu’un espace est un lieu, surface ou volume, à l’intérieur duquel peut se situer quelque chose.

Cette chose, l’école, à la fois réelle et virtuelle, se situe dans des espaces soit réels comme la commune ou le quartier, soit virtuels comme la réglementation qui la fonde et la gère.

Ainsi situer dans ces (ses) espaces l’école fonde des territoires dans la mesure où, dans une acception sociologique, un territoire serait schématiquement la façon dont les individus investissent l’espace réel (géographique) ou virtuel (institutionnelle).

Le territoire ne préexiste pas aux individus : il s’organise en fonction des pratiques de chacun dans l’espace et, aussi, dans le temps (autre espace).

Le territoire n’est donc pas un état en soi mais une « construction » qui répond à la définition d’un problème, à sa manière de l’aborder et de le résoudre.

 

Par exemple le lycéen qui emprunte deux fois par jour les transports scolaires pour parcourir les 25 km qui le séparent du lycée ne partage pas le même territoire que son frère, collégien, qui enfourche quatre fois par jour sa bicyclette ; pourtant ils se côtoient dans l’espace commun de leur zone de résidence mais ils n’y mettent pas les mêmes valeurs et ne résolvent pas de la même façon le problème de leur déplacement de leur résidence à leur lieu de travail.

 

Le territoire est donc une création sociale par un groupe d’individus, ou un individu, autour d’intérêts communs. C’est la création d’un espace de référence pour savoir ce qu’on y fait, comment on s’y protège et ce qu’on va y faire. En ce sens le territoire est aussi un espace de propriétés c’est-à-dire un ensemble de qualités et de caractères communs à tous les individus du groupe. Cela lui confère une nouvelle dimension, plus symbolique, qui conditionne la manière que chacun a de construire son territoire, donc les choix à faire. Cette construction tient à la fois d’un système de représentation et d’un système d’appartenance.

Le territoire est aussi méta création, c’est-à-dire qu’il est aussi le discours que l’on porte autour de l’espace, réel ou virtuel, issu de la création sociale. En ça le territoire est vivant parce que soumis à la « question », il peut être revisité et modifié.

 

On peut donc considérer que le territoire ne peut pas se construire durablement sans l’assentiment de ses populations et il constitue une réalité provisoire multidimensionnelle : géographique, historique, social, économique et politique, et peut-être onirique. Ce qui rapproche des propos d’André Micoud pour qui le territoire « est le résultat de la construction sociale, politique, et pour finir institutionnelle, par laquelle un pouvoir s’autorise et s’institue pour la résolution d’un problème ».

 

L’école comme territoire :

On voit, au travers de cette définition, comment l’école s’est instituée pour résoudre le « problème » de l’éducation des enfants.

L’école est donc un territoire puisqu’elle est le résultat d’une construction à la fois sociale, politique et institutionnelle. Par-delà ce rapprochement d’avec la définition générale du territoire, on retrouve autour de l’école la notion corollaire d’organisation des pratiques individuelles dans l’espace et le temps, ainsi que la dimension de méta création dans la mesure où l’école suscite du discours citoyen et du discours savant qui l’interrogent et la remettent en question.

 

L’école et les territoires : le chevauchement des territoires

Une des interrogations à propos de l’école se fait en direction de la place qu’elle occuperait dans l’aménagement du territoire et le développement local (terme principalement attribué aux zones rurales) ou au développement social (qui concerne le milieu urbain).

 

Les travaux de Madame Agnès Henriot-van Zanten montrent bien les liens existants entre le tissu social et l’école (voir notamment « sociologie de l’école » pp83-101).

 

Les lois de décentralisation ont permis aux collectivités locales d’élaborer de véritables politiques locales d’éducation répondant ainsi aux désirs des parents et des travailleurs sociaux de tisser des liens forts avec une école à laquelle ils demandent de plus en plus à la fois en matière d’éducation des enfants dans une acception très large de « l’être » et de la « citoyenneté », d’apport de connaissances et enfin de préparation à un avenir professionnel. Nous ne discuterons pas ici du bien-fondé de ses demandes, forts de ce qu’il faut constater qu’il y a là évolution de pratiques sociales : on ne subit plus l’école, on lui demande de « faire » ; cela a quelques exceptions de populations près.

 

Dès lors qu’un individu est en position de demandeur, certains ont dit de consommateur, par rapport à l’école, on entrevoit que le « territoire école » ne possède plus de suprématie par rapport à d’autres. Nous pouvons le mesurer, par exemple, à la lumière du débat sur les rythmes scolaires qui, soulignons-le, font peu de cas des études sur les rythmes de l’enfant. Il y a là immixtion d’un territoire dans un autre : celui des pratiques de loisirs des parents dans celui des pratiques scolaires des enfants.

 

Si on voit bien le voisinage des deux territoires que nous venons d’évoquer, il n’en est pas de même pour d’autres. Or ces voisinages et leurs chevauchements possibles font des territoires autres que l’école des partenaires de l’école au sens où il s’influe sur son fonctionnement. Il est donc important, dans la pratique d’une politique scolaire (et même plus simplement niveau de la gestion administrative), de repérer ces territoires qui interfèrent sur celui de l’école sans lui être obligatoirement concourant.

 

Moins de vouloir, le peut-on d’ailleurs tant les situations sont variées et variables, atteindre l’exhaustivité envisageant quelques territoires susceptibles d’interférer avec le territoire école.

 

Les territoires institutionnels sont ceux où s’exercent la volonté et l’action de l’État, de la région, etc. Là s’inscrivent, par exemple, les actions d’aménagement du territoire comme le Moratoire de maintien des services publics en milieu rural. Immédiatement on voit l’incidence que cela peut avoir sur l’élaboration de la carte scolaire. Moins frappants sont les Schémas Départementaux d’Aménagement et d’Urbanisme (SDAU) pourtant il pose des indications marquantes pour le développement des communes vers une urbanisation, une industrialisation, une « ruralisation », tout ceci dit de façon un peu caricaturale pourrait se traiter mieux en termes de logements et de mouvements de populations.

Un autre territoire institutionnel peut influer sur le territoire école, c’est celui des transports. Une desserte ferroviaire cadencée, par exemple, peut favoriser l’évasion de collégiens et de lycéens d’un bourg centre vers une ville, d’un le lycée connoté rural vers un lycée de centre-ville. Inversement l’absence d’une réelle desserte peut amener des parents à utiliser leur voiture pour se rendre à leur travail et par là entraîner, sinon les contraindre, à emmener leur enfant d’âge de l’école élémentaire pour éviter des frais de garde au regard de l’absence de structure…

 

Les territoires locaux, ceux investis par une pratique sinon quotidienne du moins fréquente de la part des habitants, ont une incidence majeure sur le territoire école. Nous en retiendrons essentiellement un qui est celui des parcours professionnels largement corrélés avec celui des transports évoqués plus haut.

Pour des parents qui travaillent dans la ville ou le village, le territoire école doit être présent dans cet espace géographique. Pour ceux qui se déplacent, par exemple, vers le bourg centre il est parfois plus facile d’amener les enfants vers les écoles de ce bourg entraînant ainsi une dépopulation de l’école du village. Notons au passage que la réglementation relative à la sectorisation scolaire, jointe aux prérogatives municipales, risque dans certains cas de favoriser une désaffection du service public au bénéfice de l’enseignement privé.

 

Nous pourrions aussi étudier l’influence des territoires politiques constitués par la personnalité et les ambitions d’élus.

 

À titre de conclusion provisoire :

Ce court écrit ne veut avoir comme ambition que de montrer à quel point l’école possède des rapports avec le « local » et que l’analyse allait du concept de territoire permet de montrer et de circonscrire ses liens à la fois forts et interactifs.

Il convient donc, pour pouvoir administrer le territoire scolaire, d’avoir une bonne connaissance du « local ». Nous proposons à la suite de ce texte une liste de critères qui nous semblent essentiels et principaux pour analyser le local.

 





 

Éléments d’analyse du local

(Liste non exhaustive et non actualisée)

 

Commune :

Canton :

 

Population municipale :

·         Évolution de la population sans doubles comptes sur 10 ans

·         Évolution du nombre de naissances sur 10 ans

·         Évolution du nombre de décès sur 10 ans

·         Solde d’accroissement

·         Excédent naturel

·         Solde migratoire

·         Répartition par tranche d’âge : zéro – 15,16 – 19,20 – 39,40 – 59,

·         Taille des ménages :

·         Actifs ayant un emploi :

·         Actifs travaillant hors commune :

 

Niveau d’équipement :

·         POS : oui/non

·         ZA : oui/non

·         ZI : oui/non

·         Nombre d’établissements bancaires

·         Nombre de supérettes et de supermarchés

·         Nombre de boulangeries

·         Nombre de librairies

·         Nombre de pharmacies

·         Nombre de commerces autres que ceux cités

 

·         Gare SNCF de voyageurs et nombre d’arrêts de trains par jour

·         Lignes d’autocars et nombre d’arrêts de cars par jour

·         Distance jusqu’à une autoroute

 

·         Hôpital : oui – non

·         Nombre de salles de cinéma

·         Centre socioculturel : oui – non

 

Habitat :

·         Nombre de résidences principales :

·         Nombre de résidents secondaires :

·         Caractéristiques principales du logement

·         Taux de construction : nombre de permis de construire pour résidence principale/pour résidence secondaire

·         Type de construction : collectif/individuel/lotissement/diffus.

 


lundi 27 juillet 2020

ECOLE : HISTOIRE ET RESSOURCES HUMAINES



OU L’HISTOIRE POUR JUSTIFIER LA NÉCESSITÉ DE RECOURIR À LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES DANS L’ÉDUCATION NATIONALE.

Texte écrit à la suite d’un débat lors d’une journée d’étude de l’association APPRENDRE, Université Lumière Lyon 2, 1992.

  

« Le système éducatif français s’enfonce et pourtant il demeure un des meilleurs du monde », écrit Alain Minc dans son dernier livre « Français si vous osiez ». Les systèmes éducatifs de notre pays ne seraient‑ils qu’une sorte de tour de Pise, si belle, qui pourtant intéresse plus à ce qu’elle possède de risques de disparaître qu’à son esthétique propre ? Sans doute que non, car les enjeux de l’éducation sont d’une tout autre nature : d’une nature qui naît du besoin de pérennisation que possèdent tout être humain et toute société. Cependant cette analogie, d’apparence si fragile, entre une tour est un système éducatif prend force dans une communauté qui pourrait les unir au sein d’un discours autour de l’absence de projet. Si la tour de Pise menace tant de s’effondrer c’est bien parce qu’il n’existe aucun projet (d’utilisation) pour elle. Un embryon d’analyse historique à propos du système éducatif laisse à craindre que cette analogie ne devienne, si ce n’est déjà le cas, une réalité redoutable. Un euphémisme facile consiste à déclarer qu’il n’y a pas d’éducation possible sans projet. Nous tenterons, partant de cette apparente facilité, de montrer combien la notion de projet a toujours supporté le système éducatif, réalisant par là un lien entre histoire et nécessité moderne de gestion des ressources humaines.

 

Lorsqu’en 1452, le dauphin Louis II (futur Louis XI) crée une université à Valence (en Dauphiné), il a l’espoir d’éviter la fuite des intellectuels vers d’autres provinces. Ce projet, car c’en est un, si l’on considère avec le dictionnaire Robert qu’un projet est « un but que l’on pense atteindre et des moyens que l’on emploiera », ce projet, donc, s’inscrit dans la mouvance politique du Delphinat de Louis XI qui trouvait en Dauphiné un champ d’expérience pour son entrée dans le métier d’administrateur. Voilà que le projet se niche dans le creuset d’une politique centralisatrice, d’évidence puisque monarchique : le pouvoir politique central dispose d’un projet pour une institution éducative, et l’impose.

 

Lorsqu’en 1601 la communauté de Tullins (petite ville de la région grenobloise) appelle le sieur Damour pour remplir les fonctions de précepteur de la jeunesse, un pouvoir local, décentralisé par rapport à celui central, est mû par le projet de permettre aux enfants de la ville d’être enseignés.

 

Toujours dans cette petite ville de Tullins, le 15 mai 1793 « les citoyens chef de famille » adressaient une pétition au conseil général de la commune de laquelle il réclame l’ouverture d’une école. Là encore un projet sous‑tend la demande : que les enfants possèdent un lieu où apprendre. Cette demande émane de ce qu’aujourd’hui nous appellerions les usagers, les parents d’élèves.

 

Ainsi, avec ces trois exemples nous pouvons voir se dessiner un spectre de dispersion des sources de projet sous tendant le système éducatif : un pouvoir central (le monarque), un pouvoir local et enfin un groupe d’usagers. Mais pour tous, ici, si nous voyons bien l’origine du projet, la mise en œuvre demeure inconnue ou pour le moins cachée. C’est ce qui entraîne trop souvent à penser de façon réductionniste qu’il y avait absence de projet, d’autant que les moyens pédagogiques qui devaient permettre d’accéder au but appartenaient à une « idéologie », émanant d’intellectuels bien souvent éloignés, par l’espace et par la pensée, des commanditaires du projet qui ne fonctionnait que dans leur pragmatique. Après la Révolution, et plus encore avec les lois Ferry, on peut penser qu’il y eut un certain rapprochement entre « la pensée sur l’éducation », les commanditaires et les décideurs. Sans doute lorsque les ministres de l’instruction publique, de Guizot à Ferry, mettaient en œuvre un système scolaire, ils donnaient forme et moyens à une pensée collective sur l’éducation comme nous avons pu le montrer dans un mémoire (L’application des lois Jules Ferry à Tullins, université Lumière Lyon2). Il s’agissait bien là d’un projet, et pas d’une simple politique, dans le sens où tous les acteurs du système devaient en être partie prenante : un pouvoir central décideur et « définisseur », un pouvoir local financeur, des utilisateurs (les parents) qui avaient choisi entre l’école publique et l’école privée. Seuls les membres fonctionnels du projet, les enseignants, semblaient absents de toute participation à la phase d’élaboration. À notre avis ceci n’est qu’apparence, s’ils n’avaient pas droit à une parole revendicatrice, mais ils constituaient l’élément facilitateur ou bloquant du système suivant le zèle qu’ils mettaient ou non dans l’exercice de leur mission.

 

Ainsi de Jules Ferry jusqu’aux années 1980, notre système éducatif a vécu dans et pour un projet « unanime » mis en place et contrôlé dans un pouvoir central légitimé par les membres de cette composante unanime. Ce n’est pas pour autant que tout allait bien dans le meilleur des mondes ; notamment le mouvement d’idées des années 1968 remit fortement en cause sinon l’idée fondatrice du système scolaire, du moins la place et le fonctionnement des unités qui le composent : établissements, enseignants et élèves. Pire encore, sans doute parce que plus pragmatiques donc plus oppressantes que les idées, les données économiques bouleversées par les chocs pétroliers entraînèrent, voire obligèrent, à déplacer la notion de projet appliqué aux systèmes éducatifs à la fois sur son axe originel et sur son axe opérationnel. Très schématiquement, la société se déplace du pouvoir central vers le pouvoir local. Là, il est intéressant de lire ce qu’écrit le sociologue Serge Wachter : « La conjoncture est favorable pour que l’intérêt se fixe sur les régions françaises, et, plus extensivement, sur cette diversité bigarrée de vies locales qui semble se doter d’une nouvelle autonomie sous les effets cumulés de la crise économique et de la décentralisation politique et administrative. » En conséquence de quoi il nous semble que l’école ne peut plus faire l’impasse sur l’établissement d’une relation constructive et prospective avec les instances locales. Cela d’autant plus que, comme l’écrit la sociologue Jacqueline Mengin, « Les crédits d’État, moins riche, fuient de plus en plus »… donc « Les élus locaux, régionaux, départementaux se sont trouvés investis de responsabilités nouvelles en matière de développement économique, d’action sociale, de formation alors que le volume des crédits transférés leur paraît tout à fait insuffisant […] Ils cherchent à trouver des critères d’attribution des crédits, objectifs et plus efficaces. En même temps ils poussent à la contractualisation et la concertation entre partenaires locaux. […] Celle‑ci (la décentralisation) suppose que soient définis les objectifs poursuivis, les moyens mis en œuvre pour y parvenir. »

 

Il semble donc inéluctable, et indispensable, de passer d’une notion de projet national à celle de projet d’établissement. Serait‑il concevable que l’école aille à contre‑courant d’une évolution de type sociohistorique ? Demeure que l’élaboration de projets d’établissement pose entre autres problèmes celui de la gestion des ressources humaines. Sans entrer ici dans un débat technique approfondi, tentons une analyse comparative historicienne de cette dimension. Les exemples que nous avons donnés et leur analyse, nous ont permis de voir où se situait l’origine du projet, donc conséquemment son point d’aboutissement et les instances de mise en œuvre. Dans le cas de l’université de Valence, comme dans ceux du 17e siècle et de 1793 concernant la ville de Tullins, c’est le pouvoir local qui avait la maîtrise du recrutement et de la carrière des personnels. On retrouvera ce phénomène pendant une partie du 19e siècle jusqu’à la loi de Gobblet de 1886. Cette loi qui, comme l’écrit Claude Lelièvre « comprend une organisation pédagogique (élaboration de programmes et de diplômes nationaux), une dimension financière (définition des obligations des communes) et une dimension administrative (détermination d’un corps enseignant sous le contrôle d’une hiérarchie d’inspecteurs dépendant de l’administration centrale) », traduit bien l’hyper centralisation du fonctionnement des instances dirigeantes de l’époque. Aucune décision n’était prise à l’échelon local ; il convient de préciser, à titre d’illustration, que l’organisation administrative de la France mettait les communes sous la tutelle absolue et rigide du pouvoir central par l’intermédiaire des préfets. Ainsi, de l’époque de la loi de Gobblet à aujourd’hui le système éducatif a vécu dans le cadre strict d’un triple centralisme : celui de l’élaboration des objectifs, celui de la définition des méthodes pédagogiques et des savoir‑faire, et celui du financement. Le premier de ces centralismes à avoir éclaté est celui du financement : aujourd’hui le « local » devient le financeur principal d’un système qui lui échappe encore totalement quant à la définition des objectifs et quant au personnel qui doit mettre en œuvre ses objectifs. Dans un avenir imminent il sera nécessaire de définir des objectifs locaux dans le cadre d’un programme national. Ce dernier, d’ordre idéologique, étant d’amener, par exemple, 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat, l’objectif local pourrait être d’y inscrire une notion plus pragmatique assise sur les réalités d’un tissu socio‑économique local : il n’est pas vraiment acquis qu’à Oyonnax, ville des matières plastiques, on ouvre des sections de formation en rapport avec les métiers de cette industrie plutôt qu’avec l’agroalimentaire. Dans le même ordre d’idée il semble impensable que les fonctionnaires du système éducatif puissent continuer à ne rendre compte qu’à un pouvoir central de moins en moins responsable de la mise en œuvre et du financement de la politique éducative. Comment peut‑on penser que les enseignants n’aient aucun compte à rendre aux financeurs que sont les municipalités, les conseils généraux et les conseils régionaux, voire le « monde économique » ? Rendre compte à tous les niveaux de pouvoir : centralisé et local, exigera que soient mises en place de nouvelles procédures de fonctionnement. C’est dans ce cadre que s’inscrit le projet d’établissement qui permet, entre autres, d’établir un contrat avec l’organisme financeur et de mesurer l’emploi des fonds publics. Ceci nous semble, suivant une analyse politico historique, essentiel dans la mesure où plus la décision politique est proche, en termes d’espace, de l’électeur, plus elle a à rendre compte au citoyen. On ne demandera guère de compte à un ministre, on en exige beaucoup plus d’un maire…

 

Dès lors que s’installe un projet d’établissement il faudrait que soit repensée la gestion des ressources humaines de cet établissement. À titre d’illustration si, comme le préconise Françoise Cros, un projet doit s’installer sur la durée du cursus de l’élève plus un an, serait‑il raisonnable que les auteurs acteurs de ce projet quittent, du fait de l’administration, le navire en cours de route ? À cet exemple nous pouvons ajouter l’idée que nous avions évoquée plus haut, suivant laquelle il va devenir insupportable pour l’élément financeur de n’avoir aucune possibilité de contrôle des personnels mis à sa disposition ; ce qui ne veut pas dire qu’il faille obligatoirement ou totalement décentraliser le recrutement des enseignants. Il y a là un miroir aux alouettes contre lequel Alain Minc nous met en garde : « Dans un système éducatif décentralisé, le statut national des personnels aura sombré corps et biens. Mais passer de la fonction publique nationale à la fonction publique territoriale ne suffit pas à faire sauter tous les verrous face aux impératifs d’une bonne gestion, puisque la seconde est, à maints égards, une copie conforme de la première ». On peut penser que le quasi idéal se trouvera dans le maintien par l’État d’un cadre commun, laissant aux financeurs locaux, en accord avec le projet d’établissement, le soin de l’octroi de primes correspondant non plus à une position statutaire mais la réalité d’un service rendu comme le dit Alain Minc : « De même s’instaurera progressivement, par le biais de mesures ponctuelles, une différenciation des rémunérations en fonction de la qualité du service rendu. »

 

Un regard sur l’histoire montre à la fois l’exigence qu’un projet existe pour qu’un système éducatif fonctionne, et que ce projet se différencie de ce qu’il serait convenu d’appeler une simple politique. Un projet est à la fois une définition de buts et de moyens pour y parvenir. Dans cette acception on mesure la nécessité qu’il y a à ce que l’auteur du projet, pour n’en être pas obligatoirement le financeur, implique fortement dans sa conception le financeur dans un cadre contractuel. Dès lors, les personnels, chevilles ouvrières du projet, ne peuvent pas échapper au contrôle des concepteurs du projet. S’ils sont eux aussi partie prenante de la conception du projet, étant alors à la fois concepteurs et exécuteurs, auteur et acteur, vraisemblablement dans un cadre statutaire national, de projets locaux, les enseignants doivent être « gérés » à l’aune d’une nouvelle gestion des ressources humaines.

 

 


lundi 6 juillet 2020

Nouvelle gouvernance et politiques territoriales



 Conférence devant les directeurs de CIO stagiaires, ESEN, 21 novembre 2007

 

Le thème qu’il m’a été demandé de traiter aujourd’hui, résume bien la situation actuelle de la gestion des politiques publiques. Elle s’exerce dans de nouveaux lieux et requiert de nouvelles modalités d’exercice. C’est le New Public Management selon lequel il faut à la fois bâtir des relations administration-usager moins basées sur l’injonction que sur l’écoute et le partage, et moins proposer des solutions globales que des solutions qui tiennent compte des particularités du territoire. En somme, l’usager veut moins qu’on lui propose une solution préétablie qu’il ne souhaite une réponse particulière et « localisée ». C’est donc à l’individu et au territoire particulier que doit désormais répondre la gestion des politiques publiques.

Pour Michel Autès[1], dès lors qu’on s’intéresse à la question du territoire on se confronte aux notions de gouvernance et de centralité, et on doit avoir un autre regard sur le territoire. De la même façon, penser l’action publique au regard de l’individu comme citoyen et usager, oblige à concevoir une gouvernance plus qu’un gouvernement. D’emblée cela amène deux questions. D’abord, celle de la complexité de l’action publique qui semble appeler la proximité : « plus c’est proche, c’est plus efficace » ; puis celle de la pertinence liée au risque de clientélisme. Ainsi, Michel Autès invite à penser que « L’idée d’une combinaison entre gestion de proximité et gouvernance plus éloignée est certainement à méditer. »

En France, penser que l’action publique pourrait se construire et s’exercer entre centralité et proximité, correspond moins à une réforme qu’à un véritable changement de paradigme en ce qui concerne la gouvernalité (mode de gouvernement d’un pays). Pour autant la survenue de ce changement n’est pas brutale, elle résulte d’une lente évolution dont nous ne retracerons l’histoire qu’à très grands traits.

Au 18e siècle avec Locke apparaît l’idée d’un pacte social unissant les hommes qui s’organisent en société pour assurer la sauvegarde des droits naturels. Ainsi, l’homme est naturellement bon et la société politique se résume dans l’existence d’un système juridique auquel tous les membres de la société peuvent désormais recourir pour régler leurs litiges et punir les délinquants. Montesquieu et Rousseau dessinent une science politique qui définit les principes de l’organisation de cette société. Dans « L’esprit des lois » Montesquieu évoque la séparation des pouvoirs ; pour Rousseau dans « Le contrat social » la loi provient de la volonté générale et constitue le pouvoir souverain. Vint la Révolution de 1 789 qui plaçait le citoyen au commandement des choses publiques ; on s’éloigne alors du contrat social en tenant compte des forces contraires qui traversent le champ du politique : l’individu est souverain puisqu’il crée la loi. Hegel dans « Les principes de la philosophie du droit » définit les droits comme étant ceux liés à la propriété, aux contrats, au droit pénal, mais aussi à la moralité. Ce faisant il fonde des liens quasi inaliénables entre la famille, la société civile et l’État. De ce dernier il dit qu’il est la réalisation sociale de plus haut niveau. L’État permet alors de soumettre l’individu à la souveraineté de la loi ; c’est ce qui assure le « bien vivre ensemble ». Pour Hegel, l’État est « liberté ». Cela amena Comte et la théorie du Positivisme à s’opposer à tout individualisme, et permit le passage d’un État-protecteur à un État-providence. Voilà la France avec un état qui protège, qui organise, régule et éduque. On constate, au 20e siècle, une érosion progressive du statut de l’action politique : les citoyens se désintéressent de plus en plus de la vie politique, et l’organisation sociale se construit autour de « proximités » d’intérêts. Le changement se situe dans ce passage d’un État-providence à une État que Pierre Rosanvallon appelle un État post-social-démocrate où la forme de régulation principale est de type intro-social. Pour cet auteur il n’y a pas de désaffection pour le politique mais plutôt un redéploiement de l’activité citoyenne. Ainsi, le citoyen va moins aux urnes mais se retrouve plus dans des pétitions, des actions ponctuelles. C’est moins le militantisme politique et syndical qui fonde l’homme-citoyen dans la société que sa participation à des actions de solidarité ou à des manifestations. Dès lors, là où l’action politique cherchait à organiser la confiance, l’action citoyenne s’organise désormais autour d’un principe de défiance.

On peut considérer que cette évolution se fonde dans l’émergence de l’autonomie de l’individu. On constate un retour à l’idée du contrat-social par l’expression de solidarités négociées qui entraîne la constitution d’un véritable espace public démocratique donc localisé. De ce fait réapparaît la dialectique politique : confiance/défiance à propos de laquelle Benjamin Constant écrivait que « toute bonne constitution est un acte de défiance » ; ce que confirme la Constitution de Pennsylvanie (1 776) où on élit en même temps une assemblée représentative et un conseil de censeurs. À partir de là, l’action publique se pense moins dans la confrontation à des groupes humains fixés : classes, corps… qu’à celle avec des groupes flottant en fonction d’intérêts éphémères, épisodiques, conjoncturels… mais qui font territoire. Il faudra alors voir ce qu’est un territoire, peut-être aussi côtoyer la notion de réseaux.

On peut donc répondre à ce thème par 3 entrées :

 


Mais, l’histoire de la « gouvernalité » française c’est aussi une histoire de la prise en compte des territoires physique, humain et politique qui fait entrer la gestion de l’action publique dans une double dialectique : décentralisation / centralisme, sujet/citoyen/usager. La clé de l’analyse de l’élaboration et de la gestion de l’action publique c’est l’individu, le reste c’est du décor, c’est « du fonctionnement » dans lesquels s’expriment des tensions qu’il s’agira de comprendre, de dénouer et d’assouplir.

 

A-     L’individu : bref rappel

Très schématiquement on peut rappeler que l’homme est passé de sujet de dieu et/ou du roi, au statut d’individu. La notion de ‘’personne’’ dans le droit comme dans la philosophie. On passe d’un monde établit par immanence à un monde où tout se discute. On doit ce passage aux philosophes et aux théologiens, du 12e siècle que nous devons l’idée, forte, que la société et ses règles peuvent être mises en question. Par exemple, Pierre Abélard discutant, notamment dans son Sic et Non (1 122), les opinions contradictoires de Pères de l’Église écrit : « car c’est en doutant que nous en venons à l’enquête et c’est en enquêtant que nous percevons la vérité. », À quoi il faut ajouter ce qu’il disait au sortir des leçons d’Anselme, alors qu’il avait choisi d’être théologien : « Je répondis que ce n’était pas mon habitude d’avoir recours pour professer à la tradition, mais aux ressources de mon esprit. ». Ainsi, pour Abélard, le péché n’est ni antérieur ni prédictif de l’homme ; le plus important réside dans l’individu et dans son intentionnalité ; il écrit : « pécher c’est mépriser notre Créateur, c’est-à-dire ne point accomplir pour lui les actes dont nous croyons que c’est notre devoir d’y renoncer pour lui. En définissant de la sorte le péché de façon purement négative, comme le fait de ne pas renoncer à des actes blâmables ou au contraire de nous abstenir d’actes louables, nous montrons clairement que le péché n’est pas une substance puisqu’il consiste dans une absence plutôt que dans une présence… ». Le péché est donc intentionnel, et purement personnel.

En droit, l’intention ne suffit pas à constituer la faute ; il faut qu’il y ait exécution : c’est l’acte qui est répréhensible. En cela, on voit le droit se distinguer de la théologie, mais il s’en rapproche par la résurgence d’une notion déjà connue dans le droit romain : le fait que le crime comme le péché sont purement personnels. Ce qui produit, en droit, l’adage "ex delicto patris filius non punitur" (le fils n’est pas puni pour le délit du père), de même que les châtiments collectifs sont bannis, à quelques exceptions près, deux notions qui se construisent au cours du 12e siècle pour commencer à prendre véritablement forme au 13e siècle.

Dans l’évolution de la pensée, tant en droit qu’en théologie, se trouve dès lors posée la question du sujet de la loi. Pour le droit, la réponse se signale clairement avec la notion de "personne", qui est cette instance abstraite douée de capacités juridiques repérables (posséder, contracter, léguer…). À partir de là s’annonce une nouvelle organisation sociale, dans laquelle devront se définir les rapports entre cette personne juridique – individuelle ou collective — et les corporations et l’État. À la fin du 13e siècle, avec Pierre de Jean Olivi, la personne atteint « le comble de l’abstraction féconde en se portant vers la racine inconnaissable de l’homme, vers son libre arbitre, antérieur à toute opération de connaissance », écrit Alain Bourreau. À partir de là, la question de l’individu ne cessera pas de hanter la sphère du politique et du social.

Ayant posé ce long rappel sur l’émergence de l’individu, je ne parcourrai pas les siècles d’une lente évolution faite parfois de reconnaissance du statut de l’individu, tantôt de rejet. Une reconnaissance au gré des courants philosophique, politiques mais aussi sociologiques. Il faut attendre la fin des années 1960 pour qu’en sociologie l’individu prenant alors le nom d’acteur soit vraiment reconnu comme un être doué d’intelligence et de discernement, donc capable d’intention et de choix. La sociologie classique (Comte, Durkheim) travaille sur l’hypothèse d’une prévalence d’une société organisée en classes. Puis, sans rejeter ces hypothèses, l’approche fonctionnaliste et stratégique explique le fonctionnement de la société à partir du fonctionnement et du dysfonctionnement des organisations. Elle n’explique donc plus la dynamique sociale à partir de la structure sociale ni des rapports sociaux de production, mais bien au sein de l’organisation conçue comme un « construit » destiné à remplir un ensemble de fonctions sociales. L’acteur, l’agent sont dès lors considérés comme des « êtres » agissant à partir d’une « intentionnalité » et dans des zones de choix. On pourra lire des articles comme celui de Michel Crozier Les attitudes des cadres à l’égard du gouvernement, ou des livres comme celui de Crozier et Friedberg L’acteur et le système, ou celui d’Alain Touraine Le retour de l’acteur. À la même époque Raymond Boudon développe la théorie de l’individualisme méthodologique dans laquelle il considère que toute analyse sociologique doit prendre pour objet premier d’observation et pour référence l’individu capable d’intentionnalité. Désormais le regard que nous portons sur la société et le regard que le politique porte sur la société ne peuvent pas faire abstraction de l’individu : homme se vivant dans sa particularité.

Aujourd’hui, on constate avec Henri Mendras que « l’individualisme fait de tels progrès qu’il n’est plus une idéologie mais une manière d’être commune à tous » et que, conséquemment ou corollairement, s’est mis en place un mode de fonctionnement social très proche voire identique à cet qu'Alexis de Tocqueville en disait au 18e siècle lorsqu’il définissait l’individualisme comme « un sentiment réfléchi et paisible qui dispose chaque citoyen à s’isoler de ses semblables et à se retirer avec sa famille et ses amis ; de telle sorte que, après s’être ainsi créé une petite société à son usage, il abandonne volontiers la grande société à elle-même. » Sans doute, est-ce autour de ces hypothèses qu’il faut voir ce qu’on appelle le délitement du lien social.

Michel Foucault développant la notion de gouvernementalité montrait comment s’est progressivement institué une étatisation de la société reposant sur des techniques concrètes de cadrage des individus qui permettent de conduire à distance leurs conduites. Ce qui rejoint les théories de Marx, de Weber qui avec Foucault, montrent que comme tout groupement politique, tout gouvernement, l’État s’institue dans un rapport de domination de l’homme sur l’homme. Là, l’individu n’existe plus que par sa représentation, ce qui a pour effet de limiter son autonomie, son indépendance. Ce n’est donc pas un des moindres paradoxes que de se retrouver dans une soumission totale alors que depuis des siècles on cherche l’indépendance en confiant sa protection à l’État.

C’est donc bien là qu’il faut chercher l’essentiel de la crise actuelle de l’État-providence, dans le rapport de défiance que la société et, surtout, que l’individu entretiennent avec l’État. Pour faire simple, schématique à l’extrême, l’individu ne veut plus qu’un fonctionnaire décide de sa vie, il ne veut plus renter dans un moule « technocratique ».

B-      Le territoire

De la même façon le « local » ne veut plus que l’État décide à sa place. La commune, le département, la Région… estiment qu’ils sont plus en capacité de savoir ce qui est bien pour eux, mieux que l’État ne pourrait le faire. Cette idée repose non seulement sur l’idée qu’une gestion de proximité permet de mieux répondre aux problèmes, mais aussi que chaque territoire est tellement particulier et différent des autres qu’il n’y peut pas y avoir d’autre bonne gestion que celle particulière qui répond aux besoins particuliers du territoire particulier. Qu’est-ce alors un territoire ? Est-ce seulement une surface ‘’géographique’, une circonscription administrative ?

Pour Maryvonne Le Berre[2] « le territoire est désormais partout dans les sciences sociales, le terme, galvaudé. […] Il y aurait même du territoire sans lieux. Le moins qu’on puisse dire est qu’il ne s’agit pas d’un terme propre à la géographie ». Nous pourrions alors, dans un raccourci épistémologique, dire que la territorialité passe du statut de qualité juridique à l’expression d’un système de comportements. Dès lors les questions émergentes sont nombreuses :

-                        Qu’est-ce que l’espace entre les individus,

-                        Quelle distance ou espace de sécurité sépare les sujets,

-                        Quels sont les processus de domination liés à la notion de distance critique entre individus qui régissent leurs rapports,

-                        Comment s’organise et se traduit la hiérarchie entre les individus… ?

Par conséquent, le territoire, même en géographie, dépasse largement la description d’un lieu ou celle d’un espace social, il est à la fois une création et une méta-création.

 Il est une création sociale par un individu ou un groupe d’individus autour d’intérêts communs. C’est la création d’un espace de référence pour savoir ce qu’on y "fait", comment on s’y "protège", ce que l’on va y faire, ce que l’on deviendra.

 Le territoire est aussi une méta-création, c’est-à-dire qu’il est aussi le discours que l’on porte autour de l’espace, réel ou virtuel, issu de la création sociale. C’est ce discours qui rend le territoire vivant puisqu’il permet de le définir mais aussi de le mettre en question.

 Pour Michel Autès il y a trois manières de combiner les différents registres de définition du territoire (géographique, culturel et politique), renvoyant à trois « formes » de territoires :

* « Le terroir » où les trois dimensions sont très fortes, s’appuyant par exemple, sur l’octroi économique, la singularité linguistique,

* « L’espace » qui correspond à la période de la société industrielle. Le territoire est l’objet d’intervention économique, d’intervention d’aménagement du territoire (DATAR)

* « Le territoire » qui revêt une signification plus contemporaine, où le territoire est investi par le politique, ce qui est décisif pour la définition du projet de territoire.

 Ces trois combinaisons renvoient à trois concepts qui fondent le territoire :

-                        La souveraineté : ce qui assoit l’autorité et la compétence. Dans le cas de l’État-nation, l’autorité et la compétence sont fusionnées : l’autorité est légitime là où il y a la compétence (c’est-à-dire capacité à faire),

-                        La gouvernementalité, c’est-à-dire le pouvoir de définir les règles,

-                        L’identité : le territoire est producteur d’identité.

 

 Ce qui rapproche des propos de A. Micoud pour qui le territoire « est le résultat de la construction sociale, politique et pour finir institutionnelle, par laquelle un pouvoir s’autorise et s’institue pour la résolution d’un problème. »

 En résumé le territoire n’est pas un état en soi mais une construction qui répond à la définition d’un problème, à la manière de l’aborder et de le résoudre. La définition d’un territoire dépendra donc de sa problématisation et de l’autorité qui pourra légitimement en connaître.

 Dans ce cadre conceptuel nous retiendrons deux types de construction de territoire susceptibles d’intéresser la gestion du système éducatif :

-                        Le territoire en tant qu’espace d’organisation politique,

-                        Le territoire en tant qu’espace symbolique de construction et de protection de l’identité et des intérêts d’un groupe ou d’un individu.

 a) le territoire : espace d’organisation politique,

 D’abord rappelons que la crise à la fois économique et sociale des années 1970-1980 mettait en évidence l’échec de la planification centralisée mise en place à la sortie de la deuxième guerre mondiale. Durant cette période prenait corps un nouveau concept de la gestion des sociétés, celui des exclus et de l’exclusion sociale, en même temps que la sociologie et avec elle les sciences politique et administrative pensaient la place de l’individu comme centrale dans tout processus d’élaboration de la règle sociale et des conduites socialisées. C’était "le retour de l’acteur" sans lequel aucune action publique ne semblait possible. Il convenait donc de rapprocher la prise de décision de l’individu envisagé comme citoyen et comme usager. Cela entraîna un double mouvement de conception de l’action publique : la décentralisation, et la définition sociale de zones et de quartiers faisant l’objet d’une action de discrimination positive (ZEP, DSQ…). Dès lors on voit se définir des territoires nouveaux au sein du territoire national unifié : Zone d’Éducation Prioritaire, quartier, ville, territoire municipal, département, pays, territoire d’action sociale…

 L’émergence de ces nouveaux territoires illustre l’apparition d’une nouvelle philosophie de l’action publique qui repose sur une différenciation des territoires et des populations qui sont alors objets d’une politique d’équité[3] définie à partir de leurs handicaps sociaux et culturels (ou de leur absence). Mais cette nouvelle façon de penser et de conduire l’action publique réinterprète le principe républicain d’égalité en réinventant le territoire de l’État qui, d’unique et unifié, devient morcelé, au-delà des découpages administratifs, en zones et en quartiers, et où on ne s’adresse plus à une population unifiée et unique mais à des populations déterminées par des critères économiques, sociaux et culturels.

 Ainsi, la décentralisation et son corollaire la déconcentration font des territoires politiques et des territoires de l’intervention de l’état des lieux de contractualisation et de coordination, voire de coconstruction de politique publique.

 S’ajoute que la discrimination positive territorialisée fait de ces territoires des espaces de gestion, c’est-à-dire qu’elle crée des catégories administratives différenciées de l’intervention publique qui obligent les représentants de l’État à mettre en place de nouvelles formes d’action. Ceux-ci vont se trouver dans une position quasi schizophrénique dans laquelle il leur est demandé de maintenir les valeurs de l’État républicain (suivant la conception française) tout en mettant en œuvre des pratiques contraires. Prendre en compte les particularismes de territoire ou de population c’est battre en brèche l’unitarisme républicain qui suppose l’unité symbolique des trois composantes de l’État : le territoire, la souveraineté et la population. La discrimination positive et la prise en compte des cultures cassent l’unité de la population et du territoire, la décentralisation et la déconcentration brisent celle du territoire et de la souveraineté.

 Donc dans les années 1980 on traite conjointement, liés au concept de développement local, les problèmes d’aménagement et de développement tant urbains que ruraux, les problèmes sociaux et les problèmes économiques à partir d’une différenciation territoriale où le partenariat et la démarche contractuelle permettent d’associer les différentes instances de l’État, les collectivités locales et, espérait-on, les acteurs (usagers et agents). Ce fut l’époque des contrats : contrats de pays, contrats petite ville, contrat de ville…

 b) le territoire : espace d’organisation de la sphère privée

 Le territoire dont il faut rappeler qu’il est une création sociale par un individu ou un groupe d’individus autour d’intérêts communs, est aussi la création d’un espace de référence pour savoir ce qu’on y "fait", comment on s’y "protège", ce que l’on va y faire, ce que l’on deviendra. Dès lors il y aura création de nouvelles normes sociales par et pour chacun des groupes que sont les usagers du territoire comme les élèves, les parents, les enseignants et les personnels non enseignants, auxquels il convient d’ajouter les collectivités territoriales avec les élus et leurs fonctionnaires.

 Ces concepts de territoire et ceux qui lui sont corollaires sont en train d’évoluer sous l’effet de la mondialisation où le changement de caractéristiques de l’économie s’accompagne d’une déconnexion croissante entre la souveraineté nationale et le territoire. Ces mécanismes marquent l’effondrement des modes de régulation économiques traditionnels, accompagnés de l’effacement des frontières. C’est, pour Pierre Rosanvallon[4], la fin de la régulation keynésienne que l’on peut caractériser par un double effet de déconnexion : d’abord par le haut où, par exemple, la Communauté économique européenne change la dimension du lieu où s’élaborent les politiques, ensuite par le bas où on assiste à un retour des identités, une montée du local, avec la recherche de racines et la recherche d’une communauté. Comme l’indique Eugène Weber, dans La fin des terroirs, le territoire n’est plus un obstacle à la circulation ; marquant la fin de l’autarcie, cette levée de l’obstacle à la libre circulation a entraîné une déterritorialisation de l’économie. Une fois encore pour être schématique, peut-on encore parler d’une industrie automobile nationale, en France comme en Italie voire aux USA ? Peut-on parler d’une agriculture véritablement nationale ?

 Le modèle du territoire, en tant qu’institution c’est-à-dire comme lieu qui établit, qui crée de manière durable, peut se référer d’une part à Manuel Castells qui introduit la notion de réseau, et d’autre part à Luc Boltanski pour qui la société est devenue une cité par projets. La caractéristique du fonctionnement en réseau est l’absence de centre et de lieu de commandements du fait de la multiplicité des connexions déterritorialisées ; Peut-être faut-il voir là, avec Rosanvallon, la disparition de la régulation autogestionnaire et l’arrivée d’une régulation intro-sociale où : être dans ou hors réseau renvoie à deux façons différentes d’être au monde, de faire société. Le réseau sans centre correspond au monde de la fluidité, de la mobilité, de l’urgence, de l’ubiquité. Apparaît alors la question cruciale : comment gouverne-t-on un monde connectique ? La gouvernance renvoie à l’idée d’un monde multipolaire, où les compétences s’exercent sur un mode partenarial et contractuel, sur des relations public/privé sans que le centre ait d’autre mission que celle de programmer et d’évaluer.

 Mais, dans un monde dirigé sous le principe de la gouvernance, le citoyen manque de lisibilité car le lieu du pouvoir devient abstrait, entraînant un sentiment d’impuissance politique. Le territoire se définit par les projets qu’il génère, par « ce qu’on fait ensemble » ; c’est une notion volontariste, abstraite. Le territoire devient immatériel, déconnecté de son substrat, bien que parallèlement des formes anciennes subsistent. Enfin, Les notions de frontières perdent leur pertinence avec l’idée sous-jacente que tout irait mieux si les frontières étaient les mêmes pour tous et pour tout.

 À ce stade de notre réflexion, pour la compréhension de la mise en œuvre d’une politique publique, c’est-à-dire pour l’action publique que doit conduire un fonctionnaire, nous distinguerons avec Michel Autès : la politique territorialisée de la politique territoriale. La politique territorialisée décline sur le territoire une politique nationale et institutionnelle qui demeure de l’ordre de l’implémentation d’une politique centrale. Une politique territorialisée comporte une dimension d’engagement ou d’optionalité dans sa mise en œuvre locale, notamment dans le choix des moyens et de certaines procédures, et s’effectue dans une logique de déconcentration et/ou de décentralisation. Une politique territoriale est produite par le territoire et le territoire devient un lieu de projets portés par le local. Elle renvoie aux logiques de projets et de gouvernance et, écrit M. Autès, « Cela serait à conforter mais il semble qu’on est ici sur une distinction du type de celle qui existe entre gouvernance et gouvernement. »

 

C-     La décentralisation : une brève histoire en quelques dates

 « Entreprendre une histoire de la décentralisation est une œuvre délicate : le terme de décentralisation n’apparaît en effet, si l’on en croit les dictionnaires, qu’autour des années 1 830. Fallait-il pourtant ne pas évoquer dans le présent ouvrage tout ce qui précède cette période ? La question s’impose d’autant plus que le sens donné à ce mot au XIXe siècle est en outre différent de celui que lui donnent les hommes politiques et les juristes de la fin du XXe siècle. Au siècle dernier, la décentralisation était conçue comme le contraire de l’action de centraliser, c’est-à-dire qu’elle consistait à enlever une partie des attributions du pouvoir central qui était le centre des décisions à la fois politiques et administratives. Au milieu du XIXe siècle, sous le Second Empire, le gouvernement prend conscience que ‘’si on gouverne bien de loi, on administre bien que de près’’ et qu’il n’est pas nécessaire que toutes les décisions soient prises à Paris » (Pierre Bodineau et Michel Verpeaux[5]).

 Après cette courte introduction empruntée au livre de Bodineau et Verpeaux pour fixer le cadre, voici quelques dates essentielles pour tracer à grands traits l’histoire de la décentralisation. Le but n’est pas ici de décrire cette histoire, ce qui nécessiterait plusieurs heures de conférences ou de nombreuses pages de livre, mais de fixer des points de repère pour montrer que la décentralisation n’est pas advenue en 1982 sans fondement. La décentralisation, notamment l’acte II de 2004, est un point fixé dans le temps au cours d’un continuum historicisé.

 

·          1764 : parution du livre ‘’considération sur le gouvernement de la France’’ où l’auteur, le marquis d’Argenson, suggère le remplacement des provinces par des départements d’une taille plus petite : « un moindre territoire est toujours mieux soigné qu’un grand » ;

·          22 décembre 1789 : création des départements et des conseils généraux ;

·          28 février 1790 : tracé géographique de 83 départements ;

·          La Convention et le Directoire : retour au centralisme ;

·          28 pluviose an 8 (17 février 1800) : loi relative « à la division du territoire français et l’administration » ;

o    Cette loi institut les préfets qui disposent d’une compétence administrative générale à part la justice, l’administration forestière et, à partir de 1808, l’Université.

o    Lucien Bonaparte écrivit que leurs « attributions embrassent tout ce qui tient à la fortune publique, à la prospérité nationale, au repos des administrés. » ;

· La présidence de Louis Napoléon Bonaparte (futur Napoléon II) est marquée par un retour au centralisme « autoritaire » ; par exemple le maire de la commune est nommé par le pouvoir central et peut être choisi en dehors du conseil municipal. Toutefois, le décret du 25 mars dit « de décentralisation administrative » stipule : « Considérant qu’on administre bien que de près, qu’en conséquence autant il importe de centraliser l’action gouvernementale de l’État, autant il est nécessaire de décentraliser l’action purement administrative », il s’agit plus, au sens moderne du terme, d’une déconcentration qui transfère des ministres au préfet le pouvoir de signer certaines décisions ;

· 10 août 1871 : la loi donne la possibilité au Conseil général de prendre des décisions sans l’avis du préfet qui n’exerce alors qu’un contrôle a posteriori ;

· 5 avril 1884 : la « loi communale » stipule que le conseil municipal « règle par ses délibérations les affaires de la commune » sous réserve du contrôle a priori du préfet ;

·  Constitution de 1946 : contient un Titre X intitulé ‘’Des collectivités territoriales’’

Article 85. - La République française, une et indivisible, reconnaît l’existence de collectivités territoriales.

Ces collectivités sont les communes et départements, les territoires d’outre-mer.

…..

Article 87. - Les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus au suffrage universel.

L’exécution des décisions de ces conseils est assurée par leur maire ou leur président.

……

Article 89. - Des lois organiques étendront les libertés départementales et municipales ; elles pourront prévoir, pour certaines grandes villes, des règles de fonctionnement et des structures différentes de celles des petites communes et comporter des dispositions spéciales pour certains départements ; elles déterminent les conditions d’application des articles 85 à 88 ci-dessus.

Des lois détermineront également les conditions dans lesquelles fonctionneront les services locaux des administrations centrales, de manière à rapprocher l’administration des administrés.

· 1947 :      prise de conscience avec la sortie du livre de Jean-François GRAVIER « Paris et le désert français » ;

· Constitution de 1958 : Titre XII - Des Collectivités Territoriales

Article 1er : La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances.

…….

Article 72 : Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74.

……

 Article 72-2 : Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi. […] Tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi.

….

· 24 mars 1968 : le général de GAULLE déclare à Lyon « L’effort multiséculaire de centralisation, qui fut longtemps nécessaire pour réaliser et maintenir l’unité du pays malgré les divergences des provinces qui lui étaient successivement rattachées, ne s’impose plus. Au contraire, ce sont les activités régionales qui apparaissent comme les ressorts de sa puissance économique de demain. »

· 27 avril 1969 : Les Français disent non, par référendum, au projet gaulliste « relatif à la création des régions et à la rénovation du Sénat » qui érigeait la région en collectivité territoriale.

· 5 juillet 1972 : Loi « portant création et organisation » des 22 régions métropolitaines.

· 6 mai 1976 : Loi « portant création et organisation » de la région île de France.

· 2 mars 1982 : Gaston Deferre lance la réforme de la décentralisation. Des pouvoirs importants sont conférés aux régions, devenues collectivités locales dotées d’un exécutif élu au suffrage universel. Le dispositif est complété par la création des contrats de plans État‑collectivités locales, les interventions économiques constituant le noyau dur des activités régionales. En ce qui concerne les moyens attribués aux régions, cette loi marque une rupture en autorisant la région à créer ses propres services et à recruter du personnel.

· 7 janvier 1983 : Loi « relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État ». Les régions ont une compétence de droit commun en matière de formation professionnelle continue et d’apprentissage, au confluent de l’économique et du culturel.

§   La région est désormais compétente pour construire et gérer les lycées, et contribuer à l’élaboration de documents de planification scolaire.

§   Parallèlement, les actes de la région sont, comme ceux des départements et des communes, soumis aux nouvelles procédures du contrôle de légalité.

§   Aux côtés des conseils régionaux, les comités économiques et sociaux voient leurs compétences élargies, leurs moyens accrus.

· 26 janvier 1984 : Création du statut de la fonction publique territoriale.

· 10 juillet 1985 : Le mode de scrutin pour l’élection des conseillers régionaux est fixé : suffrage universel et représentation proportionnelle.

· 16 mars 1986 : Les régions deviennent, à la suite des élections au suffrage universel direct, des collectivités locales à part entière. Contrairement à la commune et au département, responsables de toutes les affaires concernant leur territoire, la région bénéficie d’une compétence d’attribution définie par le législateur et particulièrement orientée vers le développement économique et la formation des hommes.

· 1er janvier 1987 : Pour tenir compte de l’ascension définitive de la région au stade de collectivité locale, le plafond des ressources est supprimé. Toutefois, les régions ne sont pas en mesure de faire varier la charge fiscale entre les différentes catégories de contribuables. Sans doute moins déterminante qu’il n’y paraît, la suppression reste le symbole de l’accession de la région à la maturité politique.

· 6 février 1992 : Loi créant les communautés de communes et communautés de villes.

· 1er juillet 1992 : « Charte de la déconcentration administrative ».

· 4 février 1995 : Loi Pasqua sur l’aménagement du territoire marquant une volonté de relance de la décentralisation avec une péréquation financière entre les régions et un nouvel espace non administratif « le pays ».

· Décembre 2001 : Débat sur le régionalisme à l’occasion du vote du nouveau statut pour la Corse.

·  28 mars 2003 : Loi constitutionnelle relative à l’organisation décentralisée de la République

Article 1 : L’article 1er de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Son organisation est décentralisée. »

Article 2 : Dans le quatorzième alinéa de l’article 34 de la Constitution, le mot : « locales » est remplacé par le mot : « territoriales ».

…..

Article 5 : L’article 72 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 72. - Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas échéant en lieu et place d’une ou de plusieurs collectivités mentionnées au présent alinéa.
« Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon.
« Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences.
« Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l’a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences.
« Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. Cependant, lorsque l’exercice d’une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l’une d’entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune.
…..

· 13 août 2004 : La loi organique (dite acte II de la décentralisation)

Organisant les transferts de compétences aux collectivités locales est validée par le Conseil Constitutionnel, à l’exception d’une disposition différant le transfert des TOS dans les départements d’outre-mer.

Ce texte, entré en vigueur au 1er janvier 2005, confie principalement aux régions la gestion de la formation professionnelle et du patrimoine, et aux départements celle de l’action sociale et d’environ 15 000 km de route routes nationales.

 Témoignant d’une véritable métamorphose de l’état, liées aux procédures de déconcentration et de décentralisation, se sont mises en place, depuis bientôt 25 ans, d’importantes restructurations administratives et politiques entre les niveaux de gestion du « national » et du « local », ce qui fait écrire, par exemple, à Blanc et Rémond[6] « Après avoir été superbement ignorées pendant des décennies par l’ensemble des structures et des responsables administratifs et politiques français, les notions de décentralisation et de subsidiarité, ainsi que les principes de réorganisation des missions et de redistribution des responsabilités, portés sur le devant de la scène par l’alternance politique du début des années quatre-vingt, ont donc été si bien acceptés et intégrés qu’ils sont devenus, avec le renouveau de la notion et de la réalité de la déconcentration, le fondement de la pierre angulaire, intellectuelle et institutionnelle, de l’administration territoriale de la République ». Et désormais, comme l’écrit Brunet, « le pouvoir de l’État n’est plus ce qu’il était : communes, départements, régions, se mêlent de leur territoire. »

 

D-     Mettre en ordre de marche = la gouvernance

 Avant de définir la gouvernance, nous pouvons nous demander si « gouvernance » ne serait pas un de ces mots vertueux, comme projet, réseau, développement durable, qu’on met et qu’on trouve un peu partout sans qu’on puisse d’emblée, à la lecture du texte, leur attribuer une définition stricte et qu’apparaisse un sens « éclatant ». Ce sont des mots qui sont pleins de sens pratique pour les uns, c’est-à-dire qu’ils permettent d’orienter et de mettre en œuvre les objectifs d’un projet. Pour les autres, ce sont des mots au sens abscons qui ne réfèrent à rien de précis, moins encore d’opérationnalisable. Mais, quoi qu’il en soit ils ne sont jamais sans impliquer les acteurs, notamment dans le cadre d’une action publique, qu’ils s’agissent bien sûr des concepteurs, des nombreux intermédiaires et aussi les bénéficiaires. Ces mots sont pour le moins créateurs de représentations sociales qui ont affaire autant avec le cognitif qu’avec l’affectif. Dès lors il se crée un dispositif[7] rhétorique. C’est-à-dire que non seulement les acteurs d’un projet sont capables de donner, à partir de leurs histoires et de leurs expériences, un sens au mot, mais ils adoptent aussi des façons de parler qui stabilisent des régulations dans leur relation au projet. Ces dispositifs permettent de rationaliser les relations de travail, de favoriser les processus de coopération et de sécuriser les échanges. Ce faisant les dispositifs rhétoriques instituent le groupe autour du projet et fédèrent les acteurs. C’est ce qu’évoquent deux auteurs : Coulon[8] lorsqu’il écrit « Devenir membre, c’est s’affilier à un groupe, à une institution, ce qui requiert la maîtrise progressive du langage institutionnel commun. […] Un membre, ce n’est donc pas une personne qui respire et qui pense. C’est une personne dotée d’un ensemble de procédures, méthodes, d’activités, de savoir-faire, qui la rendent capable d’inventer des dispositifs d’adaptation pour donner sens au monde qui l’entoure. », et Maingueneau[9] lorsqu’il parle de la notion de type de discours : « La notion de type de discours aussi est hétérogène ; il s’agit en effet d’un principe de groupement de genres qui peut correspondre à au moins deux logiques différentes : celle de la coappartenance à un même appareil institutionnel, celle de la dépendance à l’égard d’un même positionnement. Ce n’est pas la même chose de parler de « discours de l’hôpital » et de « discours communiste »…Le « discours de l’hôpital », c’est le réseau des genres de discours qui sont à l’œuvre dans un même appareil, en l’occurrence l’hôpital (réunions de service, consultations, comptes rendus opératoires, etc.). »

Mais si un dispositif rhétorique tend à imposer une logique de contrôle et de fonctionnement tant sur les individus que sur les organisations, les acteurs sont capables de renouveler leurs dispositifs rhétoriques. À l’instar de ce qu’a écrit Pierre Bourdieu[10], c’est par la confrontation des usages et des discours distincts du mot « gouvernance » que les acteurs vont pouvoir passer de l’état de groupe de pratique à celui de groupe institué. Le groupe acquiert alors une cohérence, renforce des solidarités ; il se crée du réseau et des possibilités de création.

 Le terme « gouvernance » désignait, en France au 17e siècle, la direction des baillages. Il s’agit donc là de l’expression d’un mode d’organisation du pouvoir féodal. Ayant disparu, en même temps que la société féodale, le mot apparaît à nouveau au début du dernier quart du 20e siècle pour caractériser un mode de fonctionnement des entreprises avec R. Coase (1937, « The Nature of the firm ») qui avance que l’entreprise est plus efficace que le marché pour organiser les échanges car elle dispose de la capacité à organiser des modes de coordination interne de nature à faire baisser les coûts de transaction. C’est dans l’analyse de ces modes de coordination entre agents individuels et collectifs qu’il mobilise la notion de corporate governance. Cette théorie, redécouverte dans les années 1970 par les économistes du courant institutionnaliste, est exprimée, par exemple, par O. Williamson en ces termes : « Les dispositifs mis en œuvre par la firme pour mener à bien des coordinations efficaces qui relèvent de deux registres : protocoles internes lorsque la firme est intégrée (hiérarchie) ou contrats, partenariat, usage de normes lorsqu’elle s’ouvre à des sous-traitants. »

 À ce stade de son évolution « gouvernance » passe du stade de notion opératoire à celui de concept. Avec la société féodale nous avions un mot pour décrire une façon de mettre en œuvre le pouvoir, avec les économistes comme Coase et Williamson, la gouvernance correspond à un mode de gestion de l’entreprise uniquement centré sur la réduction des coûts liés aux transactions individuelles. Avec la volonté de prendre en compte la dimension spatiale comme facteur du fait productif, apparaît le concept de gouvernance locale. Dès lors, la gouvernance dessine une forme de régulation territoriale et d’interdépendance entre agents, notamment productifs, et institutions locales. Cela met en évidence que des institutions extérieures à la firme et surtout non économiques sont des acteurs des coordinations et décisions, des coalitions et négociations parce qu’elles peuvent faciliter la coordination entre agents. À la même époque les sciences politiques s’emparent du concept pour analyser le fonctionnement du gouvernement local et pour envisager les relations internationales dans une perspective normative au moment où la mondialisation prend un essor considérable. C’est ainsi que le management des affaires publiques recourt à la gouvernance pour analyser et envisager son évolution.

 La gouvernance fournit un cadre conceptuel qui permet de penser et de comprendre les processus de gouvernement. P. Le Galès (1995[11]) parle bien de la gouvernance comme l’expression des interactions entre État et société ainsi que des modes de coordination complexe. Ces modes de coordination sont ceux nécessaires pour rendre non seulement efficace mais simplement possible l’action publique. Le recours au concept de gouvernance montre la reconfiguration de l’action publique, l’émergence de nouveaux modes d’intervention et la transformation de modalités de l’action publique. En rejetant le modèle politique traditionnel descendant et centralisé dont on simplifiera la description sous l’image d’actions injonctives et de communication informative, la gouvernance met l’accent sur la multiplicité et la variété (de nature, de statut, de niveau…) des acteurs (organisations à but non lucratif, entreprises privées, citoyens… organisations locales, régionales, nationales et étrangères…) associés à la définition et à la mise en œuvre de l’action publique. Désormais, l’action publique moins normée que jadis, repose sur des processus d’interaction, de collaboration et de partenariat.

 La gestion de l’action publique s’inscrit désormais dans le champ du politique, c’est-à-dire dans un espace où sont mis en tension les intérêts, les besoins, la raison et la passion. C’est ce qu’expriment N. Bertrand[12] et all. : « Si la collectivité locale garde un rôle d’orientation et de pilotage, elle compose avec d’autres institutions, publiques ou privées, obéissant à leurs propres logiques d’intérêt et/ou exerçant des responsabilités sur des domaines de compétences tantôt partagés, tantôt disputés, mais jamais absolument étanches ou autonomes. » Le territoire prend alors une place prépondérante comme espace de définition et d’élaboration de l’action publique. Mais, on ne peut plus l’entendre comme un simple échelon spatial parmi d’autres où on élaborerait une politique publique par délégation de l’échelon supérieur. Il ne peut plus s’agir de référer à l’application d’une bonne subsidiarité. Le territoire ne peut plus être vu comme l’espace correspondant « à un niveau administratif neutre où une politique s’applique selon une démarche hiérarchique descendante. »[13] Le territoire trouve là pleinement son sens : il est un construit social permanent et en constante appropriation dans un processus dynamique. Le territoire est un système qui se définit par la géographie et par les relations de voisinage. Il est le résultat d’un processus (la territorialisation) qui est une forme particulière de coordination par la création d’un groupe « d’opportunité » ou de « consensus » suivant la façon dont on active la notion « d’intérêt » qui permet aux membres de ce groupe de se retrouver pour créer une norme de cohabitation, une forme momentanée de « vivre ensemble ». Pour autant, il ne faudrait pas négliger que le territoire, étant borné par des frontières (virtuelles le plus souvent), possède un dedans et un dehors, que par conséquent il est en relation avec des forces extérieures qui sont à même de modifier les caractéristiques de la mise en tension des jeux d’intérêt. On voit alors comment le territoire ne peut plus être limité ou réduit à l’espace de circonscriptions politico-administratives. Certains, comme Pecqueur et all., pensent même que le territoire ne peut pas n’être regardé que comme un élément, « un fragment » disent-ils, d’un système productif national. Donc le territoire se construit avant tout comme l’espace d’identification d’un problème et d’élaboration de son traitement ; ce dernier faisant appel à l’appropriation et à la transformation des ressources locales.

 La gouvernance, territoriale ici mais de la même façon dans d’autres domaines, repose donc « à la fois sur le réseau et sur les flux : un réseau c’est-à-dire une configuration de connexions entre les différents acteurs avec des flux circulant dans le réseau. »[14] Il faudra donc que soient mises en place des structures de partenariat entre acteurs fédérées autour d’un projet territorial. Cela induit donc la participation de groupes d’intérêts divers dont les objectifs, les intérêts, les stratégies, les temporalités, les espaces de référence peuvent être différents voire contradictoires. L’acteur public a alors mission de facilitateur de la mobilisation des acteurs (publics, privés, individus, institutions) sur des objectifs communs dans le cadre d’un projet intégré et cohérent. Il s’agira, pas seulement de « demander leur avis aux acteurs, mais plus fondamentalement de susciter leur adhésion. »[15]

 Ainsi, à travers l’évolution de la notion puis du concept de gouvernance se montre et s’exprime celle de l’individu devenu acteur social. « L’espace public était le monopole de l’État, lieu de la citoyenneté, maître de la force légitime. Désormais l’État est un acteur parmi beaucoup d’autres : multinationales, organisations non gouvernementales, organisations interétatiques… et individus. », écrit Philippe Moreau Defarges[16]. Selon G. Cavallier,"la gouvernance urbaine c’est donc finalement la capacité et la coresponsabilité de projet, la possibilité d’établir un cadre collectif d’action solidaire, de réflexion stratégique reliant les principaux acteurs autour du niveau de décision politique. À chaque niveau, le partenariat doit pouvoir se concrétiser autour d’une stratégie commune, d’un cadre collectif d’intervention donnant du sens à l’action urbaine, d’un projet suffisamment mobilisateur pour motiver toutes les parties concernées".

 In fine la gouvernance fait intervenir un ensemble d’institutions et d’acteurs qui n’appartiennent pas tous à la sphère du gouvernement. Ainsi, en situation de gouvernance les frontières et les responsabilités sont moins nettes notamment dans le domaine de l’action sociale, ce qui se traduit par une interdépendance entre les pouvoirs des institutions associées à l’action collective. Donc, la gouvernance fait intervenir des réseaux d’acteurs autonomes, d’autant qu’elle part du principe qu’il est possible d’agir sans s’en remettre, à chaque fois, au pouvoir ou à l’autorité d’État. En résumé, comme l’évoque le Centre d’études en gouvernance de l’Université d’Ottawa au Canada, la gouvernance serait un processus par lequel les organisations humaines, qu’elles soient privées, publiques ou civiques prennent elles-mêmes la barre pour se gouverner.

     L’usage de la gouvernance appelle donc à une nouvelle organisation de la conception et du pilotage des politiques publiques. Peut-être s’agirait-il désormais moins de parler de partenariat que de coconstruction. Dans ce cas, le pilotage ne peut pas faire abstraction d’un double travail d’évaluation et de reporting vers toutes les partenaires que nous regroupent sous le terme de ‘’parties prenantes’’ ; il s’agira alors d’un « rendre compte » qui appelle voire exige une action en retour de la part de ces mêmes parties prenantes.

 La notion de parties prenantes est issue de la théorie des parties prenantes qui a pour origine les travaux de Berle et Means (1 932). Ces auteurs décrivent le développement d’une pression sociale s’exerçant sur les dirigeants pour qu’ils reconnaissent leur responsabilité auprès de tous ceux dont le bien-être peut être affecté par les décisions de l’entreprise. Le néologisme de stakeholders par référence aux stockholders des actionnaires souligne que l’organisation ne sert pas leurs seuls intérêts mais doit tenir compte des autres parties prenantes. Le statut de stakeholder résulte d’une légitimité ou des relations de pouvoir liant la partie à l’organisation (Andriof & Waddock, 2 002). Ainsi, Mitroff (1 983) définit les parties prenantes comme des groupes d’intérêt, des acteurs, des institutions (internes et externes) qui affectent ou sont affectés par les actions, comportements et politiques de l’organisation. Pupion, Leroux, Latouille & Paumier (2 006), ont montré que la politique de l’établissement est conditionnée par les relations du chef d’établissement avec ses parties prenantes. Cela laisse à penser qu’il faut passer d’une fonction publique pour un service public à une fonction publique au service du public. Ce passage correspondrait bien à la longue évolution qui a conduit l’individu à s’émanciper des institutions et à conquérir son autonomie. Dès lors, l’institution[17] ne peut plus être regardée de la même façon. Jadis elle était englobante, aujourd’hui elle doit être accompagnatrice.

Aujourd’hui, François Dubet évoque un « le déclin de l’institution » à partir de l’analyse des métiers où s’exerce un travail sur autrui : travail social, éducation… Ce travail procède d’un programme institutionnel où l’action se pensait comme médiation entre les valeurs universelles et des individus particuliers. Il se fondait sur la vocation de ceux qui l’exerçaient et se voyait comme moyen d’instituer les normes du comportement tout en favorisant en même temps l’autonomie des individus. C’est un travail qui revêtait un caractère sacré dans la mesure où les valeurs et les principes sont transcendants (raison, science, République…). Cela se retrouve dans la matérialité des institutions (école, hôpital) closes et isolées qui coupent d’avec le monde ordinaire. Pour Dubet il y a un désenchantement de ce modèle ; les institutions ont perdu leur monopole comme le professeur concurrencé par la télévision. L’autorité a cessé d’être naturelle et sacrée, et les objectifs attendus sont contradictoires. Ce désenchantement montre le désarroi des agents qui doivent trouver à leur échelle des solutions à ces difficultés, sachant que de surcroît, aujourd’hui, ils distinguent et séparent bien la personnalité et le rôle. C’est conséquemment la question de l’État qui est posée où il faut passer d’un l’État social - régulateur et éducateur (état providence) - à un État plus politique – animateur (acteur) - avec une relation verticale entre l’usager et lui par l’entremise des élus.

 Dans ce contexte d’évolution de la société, du mode de production de ses normes et du fonctionnement des instances organisatrices et régulatrices, les notions et les concepts de territoire, d’acteur, de sujet et de gouvernance (entre autres), à la fois, prennent une place particulière dans l’explication du changement radical de l’action publique, et doivent être mobilisés pour créer et mettre en œuvre toute action publique. Alors, l’étude de la gouvernance d’un système comprendra :

§ L’examen de la distribution des droits, des obligations et des pouvoirs qui soutiennent les organisations ;

§ L’étude des modes de coordination qui sous-tendent les diverses activités d’une organisation et qui en assurent la cohérence ;

§ L’exploration des sources de dysfonctionnement organisationnel ou d’inadaptation à l’environnement qui aboutissent à une performance plutôt terne ;

§ et, finalement, l’établissement de points de référence, la création d’outils et le partage de connaissances, afin d’aider les organisations à se renouveler lorsque leur système de gouvernance accuse des lacunes.

La connaissance, lorsqu’on gère suivant le principe de la gouvernance, permet non seulement de déterminer les mécanismes de direction appropriés pour les organisations ou pour l’évolution de la société, mais offre aussi :

§ Une manière de voir ou une perspective de coordination sur le fonctionnement des organisations ;

§ Un point de référence pour sonder cliniquement et rétablir les organisations qui flanchent et pour appuyer le développement de politiques socio-économiques ;

§ Un cadre analytique qui prête son langage à la reformulation des problèmes ;

§ Un outil pour générer une nouvelle manière de voir et des façons inédites d’aborder les problèmes de design organisationnel et d’architecture sociale.

 



[1] Autès M, séminaires, in expérimentation nationale des projets sociaux de territoire, délégation interministérielle à la ville et à la rénovation urbaine, 2003, http://i.ville.gouv.fr/divbib/doc/SEMautes.pdf

[2] Encyclopédie de la géographie, ed Economica

[3] l’équité est à bien différencier de l’égalité.

[4] P. Rosanvallon, la crise de l’État-providence, Seuil (Points), 1981

[5] P. Bodineau et M. Verpeaux, histoire de la décentralisation, Que-Sais-Je ?, 1997

[6] J. Blanc et B. Rémond, Les collectivités locales (Dalloz – Presses de Sciences Po – 1995).

[7] « Dispositif » possède une expression plus dynamique que « type »

[8] Coulon A., L’ethno-méthodologie, PUF, Paris, 1993

[9] Maingueneau D et all, un genre universitaire : le rapport  de soutenance de thèse, Septentrion, Lille

[10] Bourdieu P, Ce que parler veut dire. L’économie des échanges linguistiques, Fayard, Paris

[11] Le Galès P., du gouvernement urbain à la gouvernance des villes, RFSP, 1995

[12] Bertrand N. et all, intégration des formes de proximité dans la gouvernance locale, les 3ème journées de la proximité « nouvelles croissances et territoires », Paris, décembre 2001,

[13] Pecqueur B. et all, la gouvernance territoriale comme nouveau mode de coordination territoriale ?, 4ème journées de la proximité, Paris, juin 2004

[14] ibd

[15] ibd

[16] Moreau Defarges Ph, La gouvernance, Paris, PUF (Que Sais-Je ?), 2003

[17] L’institution, du latin institutio, c’est à la fois une fondation, une méthode et une instruction. Cette polysémie du terme se retrouve dans la multiplicité des recours par les juristes, par les sociologues, par les économistes… Mais globalement, l’institution peut être vue comme l’ensemble des règles organisant la société ou certaines de ses instances.

 


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